SITUATION DES FINANCES PUBLIQUES (GESTIONS DE 2019 AU 31 MARS 2024)

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La Cour des comptes révèle une La Cour des comptes révèle une

La Cour des comptes a rendu public l’audit du rapport de l’Inspection générale des finances (Igf) sur la situation des Finances publiques (gestions de 2019 au 31 mars 2024). Les conclusions sont explosives.

«En définitive, les travaux de la Cour sur la situation globale des finances publiques, en particulier l’exécution du Budget général et des Comptes spéciaux du Trésor ainsi que l’endettement et la trésorerie, présentée dans le rapport du gouvernement, ont abouti aux principales constatations suivantes : tirages sur ressources extérieures supérieurs à ceux affichés dans le rapport du gouvernement ; en‐ cours de la dette supérieur à celui figurant au rapport du gouvernement ; disponibilités du Trésor supérieures à celles indiquées dans le rapport du gouvernement ; montant de la dette garantie supérieur à celui présenté dans le rapport du gouvernement ; déficits budgé‐ taires supérieurs aux niveaux affichés dans le rapport du gouvernement ; service de la dette bancaire hors cadrage non retracé dans le rapport du gouvernement ; encours de la dette bancaire hors cadrage su‐ périeur au montant affiché dans le rapport du gouvernement ». Tels sont les conclusions sans appel du rapport de la Cour des comptes portant sur l’audit du rapport sur la situation des Fi‐ nances publiques (gestions de 2019 au 31 mars 2024).
En effet, à la suite au rapport de l’Inspection générale des Finances (Igf), le gouvernement avait demandé à la Cour des comptes, qui n’est pas sous tu‐ telle, « d’établir une image fi‐ dèle de la situation globale des finances publiques sur la durée du mandat présidentiel 2019‐ 2023 et au 1er trimestre 2024 ».

Les vérificateurs se sont d’abord penchés sur lesles Services non personnalisés de l’Etat (Snpe), des entités dé‐ pourvues de personnalité juridique, qui ont bénéficié, durant la période sous revue, de trans‐ ferts budgétaires d’un montant total de 2 562,17 milliards de Fcfa, représentant 28,06% des transferts globaux du budget général. «L’Etat ne doit pas accorder à ses propres services des transferts de crédits ; ceux‐ ci devant bénéficier de crédits de fonctionnement ou d’investissement », signale la Cour des comptes.

La Cour des comptes évoque aussi le cas du compte de dépôt «Cap/gouvernement » créé le 25 juin 2012 au profit de la Cellule d’appui à la mise en œuvre des projets et programmes (Cap) pour suppléer au financement des activités de cette structure par le Pnud. L’objectif général est de contribuer à l’amélioration du niveau et de la qualité d’exécution des projets et programmes. Le compte de dépôt ouvert dans les livres de la Trésorerie générale est mouvementé par le Directeur de l’ordonnancement des dé‐ penses publiques (Dodp). Sur la période sous revue, d’impor‐ tantes ressources d’un montant de 1 343 577 555 142 Fcfa sont décaissées à travers ce compte. Cependant, des décaissements sont effectués en 2022 par le Trésorier général sur ordre du directeur général du Budget qui n’est pas le gestionnaire du compte.

Il s’agit notamment du paiement de 6 481 740 000 Fcfa au profit d’Envol Partenariat Sa au titre du loyer (deuxième semestre 2022) de la Maison des Nations Unies à Diamniadio ; 1 205 237 681 Fcfa au profit de Dp World au titre du complément de l’achat des 30% d’actions de Dp World pour le compte de l’Etat du Sénégal ; 4 000 000 000 Fcfa au profit d’Air Sénégal. Sur cette question, le ministère des Finances et du Budget précise dans sa réponse que le Directeur général du Budget, qui n’est pas le gestionnaire du compte, ne peut donner d’ordre au Trésorier général de payer une dépense. Mais, la Cour maintient que par lettres n°00260 MFB/DGB/DODP du 06 juillet 2022, n°00269 MFB/DGB/DODP du 14 juillet 2022 et n°00270 MFB/DGB/DODP du 14 juillet 2022 signées par le Directeur général du Budget, les décaissements susmentionnés de montants respectifs de 6 481 740 000 Fcfa, 1 205 237 681 Fcfa et 4 000 000 000 Fcfa sont effectués par le Trésorier général et bien retracés dans le relevé du compte de dépôt n°3683047 « Cap/gouvernement ». Par ailleurs, le compte de dépôt enregistre, en 2023, le remboursement d’une dette bancaire d’un montant de 305 943 167 977 Fcfa sans lien établi avec l’objet pour lequel il a été créé.

305,943 milliards de Fcfa sor‐ tis du compte «Cap/gouvernement » sans lien établi avec l’objet du compte

Il s’y ajoute que les rembourse‐ ments sont effectués en dehors des procédures normales pré vues par la règlementation en matière de gestion de la dette publique.
Quid du compte dépôt Programme de défense des intérêts économiques et sécuritaires du Sénégal ? Le Pdies est créé par décret n° 2017‐74 du 12 janvier 2017. La mobilisation des ressources dudit programme est faite par le biais d’un compte de dépôt ouvert dans les livres de la Tré‐ sorerie générale. Ce pro‐ gramme est placé sous l’autorité du ministre chargé des Finances qui peut en confier le pilotage à l’un des membres de son personnel. L’article 5 du décret susvisé prévoit la possibilité d’ouvrir un ou plusieurs comptes au niveau des banques primaires du Sénégal et à l’étranger pour y verser les fonds tirés du compte de dépôt. En outre, selon l’article 6 dudit décret, les dépenses prévues pour le fonctionnement et les activités opérationnelles du programme ne sont pas justifiées, en raison des spécificités liées aux opérations qui y sont effectuées.

Les dispositions de ce décret ouvrent de fait des fonds spéciaux gérés par le ministre chargé des finances. Sur la période sous revue, un mon‐ tant de 303 031 260 751 Fcfa est décaissé à travers ce compte. La Cour constate qu’en plus des transferts budgétaires, les comptes de dépôt « Cap/gouvernement » et «Pdies» reçoivent des affectations de trésorerie sur autorisation du ministre chargé des Finances. C’est le cas de l’autorisation ac‐ cordée en 2023 d’imputer les ressources mobilisées auprès de l’investisseur Cgl dans les comptes de dépôt Cap gouvernement et Pdies pour des montants respectifs de 125 000 000 000 Fcfa et 4 022 122 869 Fcfa. Ces affectations sont effectuées en dehors des procédures de la loi de finances. Outre les problèmes relevés sur l’exécution des comptes de dépôt sus indiqués, une utilisation irrégulière des soldes créditeurs des comptes de dépôt est constatée.

Ainsi, en fin d’année 2023, des prélèvements d’un montant de 407 550 717 701 Fcfa sont opérés sur des soldes créditeurs des comptes de dépôt pour être affectés à d’autres comptes sur autorisation du ministre chargé des Finances. Ces prélèvement/affectations contreviennent aux dispositions de l’arrêté n°21136 du 21 novembre 2017, modifié, qui prévoient, pour les soldes créditeurs de ces comptes de dépôt, le report ou la compta‐ bilisation en recettes exceptionnelles. Le ministre des Finances et du Budget affirme que les opérations de prélèvement et d’affectation sur comptes de dépôt « sont effectuées, conformément aux attributions du ministre chargé des Finances relativement aux opérations de trésorerie de l’Etat (article 1er alinéa 2 du décret n° 2024‐948 relatif aux attribu‐ tions du Ministre des Finances et du Budget). La Cour rappelle, cependant, que les affectations de trésorerie relèvent du do‐ maine de la loi de finances.

La Cour des comptes a aussi relevé des discordances entre la dernière situation produite par la Dodp et les données du rapport sur la situation des finances publiques. L’écart global entre la dernière situa‐ tion produite par la Dodp et celle figurant dans le rapport du gouvernement est de 143,98 milliards de Fcfa. Par ailleurs, la Cour a procédé à un échantillonnage de 09 bailleurs (Banque mondiale, Banque africaine de développement, Banque islamique de développement, Agence française de développement, Boad, Chine, Usaid, Société générale et Standard Chartered Bank) dont les financements couvrent 97,84% des ordonnancements des dépenses sur ressources extérieures sur la période de 2019 à mars 2024.

Les rapprochements effectués ont permis de constater des écarts entre les ordonnancements de la Dodp et ceux enregistrés dans les plateformes de certains bailleurs. Interpellé sur ces constats, le directeur de l’ordonnancement des dépenses publiques a transmis une nouvelle situation des ordonnancements qui présente encore des écarts.

Par ailleurs, selon le rapport du gouvernement sur la situation des finances publiques, le mon‐ tant total des recettes réalisées de 2019 à 2023 s’élève à 773,78 milliards de Fcfa dont 749,01 milliards de Fcfa pour les Comptes d’affectation spéciale (Cst). De 2019 à 2023, les dépenses des Cst s’élèvent à 621,35 milliards de Fcfa dont 98,5% portés par les comptes d’affectation spéciale.

Le déficit budgétaire arrêté dans le Tableau des opérations financières de l’Etat (Tofe) qui détermine les indicateurs ma‐ croéconomiques clés, est de 3% selon les critères de convergence de l’Uemoa. Pendant la période sous revue, il a été de 3,9% en 2019 et s’est creusé en 2020, 2021 et 2022 (période Covid et de relance économique) pour s’établir respectivement à 6,4%, 6,3% et 6,1% et finir par s’atténuer en 2023 à 4,9%.

«Le déficit calculé et annoncé au Fmi est loin de sa valeur réelle »
Le déficit calculé et annoncé au Fmi sur la période sous revue est très loin de sa valeur réelle si l’on prend en compte le volume exact des décaissements des emprunts projets. Par ailleurs, l’amortissement de la dette qui constitue l’autre poste explicatif du besoin de financement a évolué en passant de 589,98 milliards de Fcfa en 2019 à 551,19 milliards de Fcfa en 2020, 778,3 milliards de Fcfa en 2021, 944,1 milliards de Fcfa en 2022, 1269,1 milliards de Fcfa en 2023 et 1248,2 milliards de Fcfa en prévision pour 2024.