13 773 milliards de Fcfa de la dette de l’administration centrale au 31 décembre 2023

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La Cour des comptes note dans la foulée que les données sur l’amortissement de la dette de 2019 à 2023 indiquées dans le rapport du gouvernement ne sont pas concordantes avec celles des Projet de loi de règle‐ ment /Loi de règlement (Plr/Lr). Les données présentées dans le rapport du Gouvernement ne reprennent pas correctement les situations transmises par la Ddp et retracées dans les lois de règlement. L’encours de 13 773 milliards de Fcfa de la dette de l’administration centrale au 31 décembre 2023 présenté dans le rapport du gouvernement est différent de celui de 13 854 mil‐ liards de Fcfa retracé dans le PLR 2023, soit un écart de 81 mil‐ liards de Fcfa. Cet écart porte sur la dette intérieure et concerne les bons du Trésor en compte de dépôt et les bons du Trésor par adjudication de courte durée (inférieure à un an) qui n’ont pas été rembour‐ sés dans l’année et, par consé‐ quent intègrent, l’encours. Par ailleurs, l’encours présenté dans le rapport du gouvernement n’inclut pas celui de la dette bancaire hors cadrage et cer‐ tains tirages sur les ressources extérieures.

3141 Fcfa retracés dans un compte ouvert à la Ba en lieu et place de 1500003141 Fcfa La situation des disponibilités de l’Etat transmise à la Cour par le Trésorier général est arrêtée à 278,47 milliards de Fcfa au 31 décembre 2023 alors que le rap‐ port du gouvernement indique un solde de 173,6 milliards de Fcfa, soit un écart de 104,87 mil‐ liards de F Cfa. Toutefois, la cir‐ cularisation auprès de la banque Banque agricole (Ba) révèle l’existence d’un solde créditeur au 31 décembre 2023 d’un montant de 479 607 713 Fcfa du compte n°80130730000 ouvert au nom du Trésorier gé‐ néral mais non communiqué par le Trésor ; d’un solde au 31 décembre 2023 de 3 141 Fcfa en lieu et place de 15 000 003 141 Fcfa enregistré au compte n°80080030000 ouvert au nom de l’Etat du Sénégal et géré par le ministre chargé des Finances que le Trésorier général a indu‐ ment intégré dans ses disponi‐ bilités. Au total, les disponibilités du Trésor au 31 dé‐ cembre 2023 sont arrêtées à 263,95 milliards de Fcfa.

Le Trésorier général admet que le compte est bien ouvert à son nom. Il ajoute que « le solde dudit compte ouvert dans les livres de la Ba au 31 décembre 2023 est bien de 15 000 000 141 Fcfa. Ce solde résulte de la réalisation d’une opération de trésorerie (mouvement de fonds) constatée le 29 décembre 2023 dans ses livres. En considérant le relevé transmis par la Cour des Comptes, il est constaté que le montant de 15 000 000 000 qui fait la différence est passé au crédit du compte en début d’année 2024 (03 janvier 2024).

Ce qui résulterait d’un problème technique au niveau de la banque. Sur cette base, il est sollicité de la Cour des Comptes le rajout de ce mon‐ tant aux disponibilités du Trésorier général au 31 décembre 2023 qui doivent ressortir à un montant de 278,47 milliards de Fcfa. Le Trésorier général a produit une attestation de la Ba confirmant l’existence d’un virement d’un montant de 15 000 000000 Fcfa à la date du2 9décembre 2023 dans le compte n°80130730000 ouvert à son nom.

Toutefois, la Cour souligne que le relevé transmis par la banque affiche un solde de 479 607713FCFA à la date du 31 décembre 2023. En réalité, le Trésorier général a procédé le 29 décembre 2023, à partir de son compte règlement ouvert à la Bceao, à un virement d’un montant de 15 milliards de Fcfa dans le compte n°80130730000 ou‐ vert à son nom dans les livres de la Ba. Ce virement positionné le 02 janvier 2024 est transféré le même jour dans le compte n°80080030000 ouvert au nom de l’Etat du Sénégal dans la même banque et géré par le ministre chargé des Finances. Le montant est aussitôt utilisé pour payer des dépenses non autorisées au profit de divers fournisseurs.

15 milliards de Fcfa pour payer des dépenses non auto‐ risées à des fournisseurs
En définitive, la Cour retient le solde de 479 607 713 Fcfa au 31 décembre 2023 ; ce solde n’a pas varié en fin janvier 2024. Par ailleurs, la situation des disponibilités du Trésor présentée dans le rapport du gouvernement n’inclut pas les dépôts à terme (dat) ainsi que les soldes des comptes ouverts par les minis‐ tres chargés des finances au nom de l’Etat du Sénégal. Selon la Cour, le surfinance‐ ment de 2020 de 54,71 milliards de Fcfa n’a été reporté en 2021 que pour un montant de 51,31 milliards de Fcfa, soit un écart de 3,4 milliards de Fcfa.

Celui de 2021 d’un montant de 238,24 milliards de Fcfa n’a été reporté en 2022 que pour 120,7 milliards de Fcfa, d’où un écart de 117,54 milliards de Fcfa. Le ministre des Finances et du Budget avait soutenu, dans le rapport sur l’exécution des lois de finances de 2022, qu’une partie de ce sur‐ financement a été rétrocédée à Petrosen. S’agissant de la ges‐ tion 2022, le surfinancement de 35,4 milliards de Fcfa n’a pas été reporté en 2023. Selon le minis‐ tère des Finances, le non‐report se justifie par « la hausse de l’amortissement de la dette porté à 944 milliards de Fcfa au lieu du montant de 908,51 mil‐ liards de Fcfa retenu qui résulte de la fluctuation de change ». La Cour fait observer que le mon‐ tant de l’amortissement arrêté en 2022 est de 908,51 milliards de Fcfa et non 944 milliards de Fcfa. La raison invoquée par le ministère relativement aux va‐ riations de change ne peut faire fluctuer l’amortissement. Ces variations sont neutres sur

l’amortissement. En effet, pour l’amortissement c’est la valeur d’entrée qui détermine sa va‐ leur de sortie. Les fluctuations affectent tout au plus les comptes de change. L’écart de 35 milliards de Fcfa sus indiqué avait été relevé dans le cadre de l’instruction du Relf 2022 et ré‐ sultait de la comptabilisation dans l’amortissement de la dette d’un bon du trésor (SN0000001744‐BAT‐05‐2022 du 11/02/2022) de courte durée qui n’affecte pas le financement du budget.

Le tableau de financement de 2023 présenté dans le rapport du gouvernement indique un surfinancement d’un montant de 604,7 milliards de Fcfa à inté‐ grer dans les moyens de couverture du besoin de financement de 2024. La Cour constate que sur les 604,7 milliards de Fcfa annoncés au titre du surfinancement, une partie est consommée sur autorisa‐ tion du ministre des Finances et du Budget, pour un montant de 326, 43 milliards de Fcfa destiné à des dépenses relatives au remboursement de dettes bancaires, au secteur de l’énergie et au soutien à la consommation. La situation se présente ainsi qu’il suit.

91,942 milliards de Fcfa em‐ pruntés à Ib Bank T et Ib Bank B sans être reversés au Trésor ; un Appel public à l’épargne bidon lancé pour couvrir les deux banques

En effet, le ministre chargé des Finances a signé au mois de jan‐ vier 2022, au nom de l’Etat du Sénégal, avec International business (Ib) Bank T et International business (Ib) Bank B, une convention de crédit d’un mon‐ tant de 91 942 400 000 Fcfa, destiné, selon ladite convention, à l’acquisition de matériel par l’Etat du Sénégal sans préci‐ sion sur la nature dudit matériel. Le montant du crédit, intérêts y compris, est de 105 052 249 080 Fcfa, remboursable au plus tard le 31 décembre 2026 suivant des échéances trimestrielles. D’après la convention de crédit, les fonds doivent être mobilisés dans un compte de l’Etat du Sénégal « TG 024‐01030‐ 026631500101‐17 » ouvert dans les livres de IB Bank T. Dans cette opération, l’Etat a payé di‐ verses commissions d’un mon‐ tant de 919 424 000 Fcfa aux banques à travers le compte de dépôt « Cap gouvernement ». Pour cet emprunt, la Cour relève : l’absence d’informations sur la nature et la destination du matériel à acquérir ; la contractualisation d’une dette publique en dehors des procédures prévues par la réglementation ; le non‐versement du produit de l’emprunt dans les comptes du Trésor public ; le rembourse‐ ment par le Trésor du reliquat de l’emprunt d’un montant de 80 041 771 576 Fcfa non comptabilisé dans ses livres. Dans le cadre de l’émission d’obligation par Appel public à l’épargne

(Ape) lancée par l’Etat du Sénégal en mars 2023 pour un mon‐ tant de 200 milliards de Fcfa, les deux banques ont souscrit pour le montant de leurs créances et, ce faisant, la créance initiale, conclue dans des conditions non transparentes, est remboursée pour laisser place à une nouvelle créance régulière ins‐ crite dans le portefeuille de la dette de l’Etat.

Un emprunt de 130 milliards de Fcfa non autorisé par la loi de finances
Autre problème : L’Etat du Sénégal, par convention en date du 02 juin 2023, s’est substitué à Doag comme débiteur de toutes les obligations que cette dernière devait à la Bdev pour un montant de 20 milliards de Fcfa. A cet effet, une convention de titrisation de la créance est signée le 29 août 2023 entre l’Etat Sénégal et la Bdev. L’opération de titrisation est réalisée dans le cadre de l’émission d’obligation par Appel public à l’épargne (Ape) lancée par l’Etat du Sénégal le 03 août 2023 pour un montant de 130 mil‐ liards de Fcfa. Cet emprunt n’ayant pas été autorisé par la loi de finances, le mécanisme de titrisation a permis, de l’intégrer dans la dette de l’Etat.

Des décaissements irréguliers d’un montant total de 481,42 milliards de Fcfa


La Cour constate, dans la comptabilité générale de l’Etat, l’alimentation du compte Cap gouvernement pour un montant de 155 milliards de Fcfa sans couverture budgétaire. Le ministère des Finances et du Budget précise que le montant de 155 milliards de Fcfa est imputé par erreur dans le compte au moment du basculement en 2023 sur le nouveau Système intégré de gestion des comptes de dépôt (Sigccd). Le relevé du compte de dépôt est joint pour attester qu’aucune dépense n’a été imputée sur ce montant et que la trésorerie de l’Etat n’a pas été affectée par cette erreur. La Cour relève, cependant, que toutes les ressources portées au crédit du compte de dépôt Cap gouvernement figurant au journal des opérations d’ordre à la date du 15 septembre 2023 sont entièrement consommées et aucune écriture d’annulation n’a été effectuée. En définitive, ces décaissements irréguliers d’un montant total de 481,42 milliards de Fcfa doivent être déduits du surplus de financement annoncé de 604,7 milliards de Fcfa, ce qui ne laisse qu’un reliquat de 123,28 milliards de Fcfa. Pour la Cour, le déséquilibre de trésorerie qui limite les possibilités de l’Etat à couvrir ses engagements résulte de certaines pratiques liées notamment à des dotations de comptes de dépôt sans couverture budgétaire ; des dépenses autorisées par décret d’avance et non régularisées d’un montant de 204

584 374 324 Fcfa ; l’avance est accordée dans le cadre de conventions de dettes croisées avec la Senelec et destinée notamment au paiement d’impôts, de droits et taxes dus à l’Etat.

Le solde du compte 515119 « Dat‐Tg banques commerciales » en fin d’année 2023 est de 219 354 013 260 Fcfa. Ce solde comprend l’ensemble des Dat constitués depuis 2014 et non encore restitués au Trésor. Au regard de la balance dite provisoire, ce solde n’a pas évolué au 31 mars 2024. Toutefois, ce stock n’est pas corroboré par la situation extracomptable des Dat appuyée des pièces justificatives qui dégage un solde de 198 287 194 249 Fcfa, soit un écart de 21 066 819 011 Fcfa.

De plus, le calcul et le versement des intérêts attachés aux Dat ne font pas l’objet d’un rapprochement périodique entre le Trésor et les banques dépositaires. L’absence de concor‐ dance entre le compte « Dat‐Tg Banques commerciales » de la balance du Tg et la situation de suivi extracomptable est due à l’absence de suivi adéquat des Dat, malgré l’importance des sommes en cause.

L’examen des pièces justifica‐ tives recueillies auprès de la Trésorerie générale et des établissements financiers dépo‐ sitaires révèle que des Dat sont virés à des tiers sur instruction des ministres chargés des Fi‐ nances ou des ministres délégués chargés du budget. Il convient de préciser que l’habi‐ litation faite aux ministres chargés des Finances d’autoriser l’ouverture de comptes à la Bceao ou dans les banques commerciales pour y déposer les fonds du Trésor public n’em‐ porte pas, pour eux, licence pour manier les deniers.

Des Dat de 141,087 milliards de Fcfa utilisés pour payer des dépenses non autorisées
De plus, en donnant à un établissement financier l’ordre d’utiliser les dépôts à terme d’un comptable public pour payer des dépenses non autorisées, des ministres chargés des Finances ou des ministres délé‐ gués chargés du budget ont ir‐ régulièrement engagé l’Etat, en dehors des lois de finances. Du reste, la comptabilité du Trésor est conçue de telle sorte que le compte relatif aux dépôts à terme ne peut être soldé que par la reconstitution, dans les livres du comptable public déposant, de la trésorerie qu’il avait placée en banque. En effet, la qualité de deniers publics a un caractère indélébile et ne peut être perdue que lorsqu’ils ont été employés pour leur usage normal qui est d’éteindre une dette publique régulière. La si‐ tuation des Dat non reversés au Trésor s’établit à 141,087 mil‐ liards de Fcfa.