La Cour des comptes a effectué un audit de performance des programmes du ministère de
l’Education nationale pour les gestions 2019 et 2020.
«Dans la mobilisation des crédits, plu‐ sieurs irrégularités ont été relevées dont l’exécu‐ tion de dépenses non autori‐ sées par une loi de finances, le non‐respect du principe de spécialisation des crédits par pro‐ gramme ; l’utilisation du compte de dépôt du Projet d’appui à la modernisation des daaras, service non personnalisé, pour recevoir les fonds destinés aux écoles ainsi que les crédits transférés ». Ce sont entre autres les constats faits par la Cour des comptes en auditant les programmes du mi‐ nistère de l’Education nationale de 2019 à 2020. Selon la Cour, des crédits de transferts courants ont été exécutés mais les montants n’ont pas été perçus par les bénéficiaires. En effet, les dé‐ penses de transferts courants sont des allocations financières effectuées sans contrepartie par l’Etat au profit d’entités pu‐ bliques ou privées en vue de la prise en charge de certaines charges ordinaires telles que les frais de personnel, d’acquisitions de biens ou de services, de versement de subventions ou de bourses.
Les transferts courants du mi‐ nistère de l’Education nationale sont destinés principalement aux subventions des écoles élémentaires pour leur fonction‐ nement et dans une moindre mesure aux subventions des écoles privées et des lycées d’excellence. A ce titre, les crédits de transferts courants sont exécutés à près de 100% avec un taux global de réalisation de 99,7% en 2020. En 2019, c’est le gel de près de 65% des crédits par le ministère des Finances et du Budget qui explique le taux d’exécution de 36,74%. Si les montants effectivement mis à la disposi‐ tion du ministère de l’Education nationale sont seuls considérés, le taux d’exécution est de 100%. Toutefois, les entrevues avec la Direction de l’Enseignement élémentaire ont révélé que les mon‐ tants exécutés n’ont pas été reçus par les établissements scolaires, qui doivent en être bénéficiaires, depuis 2018. Cette information est reprise dans le Rapport annuel de performance (Rap) 2020 qui sou‐ ligne que depuis quelques années ces ressources ne sont pas transférées aux écoles em‐ pêchant la mise en œuvre des contrats de performance. Pour expliquer la non réception par les établissements sco‐ laires des montants engagés à leur profit au titre des transferts courants, le Dage du mi‐ nistère de l’Education évoque le fait que contrairement aux Cem et Lycées, les écoles élémentaires n’ont pas de chapitre budgétaire à cause de leur nombre important. De ce fait, transférer des montants aussi élevés pose toujours au ministère des Finances et du Budget. Ainsi, exceptionnellement, avec la Covid, les budgets ont été utilisés pour acheter des produits sanitaires, ce qui a permis la continuité des enseignements apprentissages.
Toutefois, il ajoute que le minis‐ tère va vers la création de chapitres budgétaires par zone gérés par les Ia et les Ief. Un argument tiré par les cheveux. En effet, la Cour a constaté que les crédits de transfert courant destinés aux écoles élémentaires dans le cadre de la mise en œuvre de l’activité «Organisation des enseignements et apprentis‐ sages» (code 20540101) découlant de l’action «Enseignements et apprentissages à l’élémentaire» (code 205401) ont été effectivement ordon‐ nancés et payés en 2020 contrairement à 2019 où ils ont été gelés. D’après la Cour, les transferts ont été effectués dans le compte de dépôt n°368.4.037 intitulé Men/Projet d’appui à la modernisation des daaras (Pamod) et ont été utilisés pour divers règlements d’ac‐ quisitions de biens et services, notamment des produits de lutte contre la Covid‐19 (masques, gels, etc.), de salaires et de retenues sur sa‐ laires, de travaux de maintenance de bâtiments et véhicules, etc.
Ce compte de dépôt, qui est censé recevoir les transferts en capital inscrits au titre du Pamod rattaché au programme P_2057_ Education de base des jeunes adultes, reçoit en réalité plu‐ sieurs autres transferts prove‐ nant de plusieurs chapitres budgétaires dont le chapitre 23501000000 intitulé «Ecoles élémentaires publiques ». Il est constaté ainsi, qu’en 2020, le compte a reçu un cumul de crédits de 5 093 865 413 Fcfa sur lesquels 5 093 719 436 Fcfa de dépenses ont été effectuées. Ces montants dépassent largement les crédits exécutés au titre des transferts en capital pour le projet Pamod arrêtés à 641 082 113 Fcfa ainsi qu’au titre des transferts courants aux écoles élémentaires qui sont de 2 660 000 000 Fcfa, soit un total de 3 301 082 113 Fcfa.
La Cour relève que «la situation constatée présente plusieurs irrégularités qu’il convient de corriger sans délais ». D’après les vérificateurs, «il s’agit tout d’abord de l’exécution de dépenses non autorisées par une loi de finances telle qu’en dispose la loi organique relative aux lois de finance (lolf) en son article 4 rappelé par l’article 3 du décret n°2020‐978 du 23 avril 2020 portant Règlement général sur la comptabilité publique (Rgcp). En effet, «ces dispositions prévoient qu’aucune dépense ne peut être en‐ gagée ou payée s’il n’a été au préalable autorisée par une loi de finances. Ensuite, par le procédé utilisé, il est constaté un détournement de la destination des crédits qui sont spécialisés par programme aux termes des dispositions de l’article 12 de la Lolf et de l’article 24 du décret relatif à la gestion budgétaire de l’Etat. Il existe ainsi, un risque élevé de contournement des autorisations parlementaires en usant de la souplesse qu’offre les comptes de dépôts dans l’exécution des dépenses. Enfin, il est souligné l’utilisation d’un compte de dépôts pour un service non personnalisé de l’Etat (structure non dotée d’une per‐ sonnalité juridique propre et d’une autonomie juridique) pour le bénéfice de services cen‐ traux de l’Etat. En effet, par la circulaire n°7388/Mefp/Dgb/DPB du 19 juillet 2017 relative à la pré‐ paration du budget 2018, le mi‐ nistre chargé des finances a considéré cette pratique comme une entorse à l’orthodoxie budgétaire. A ce titre, ins‐ truction a été donnée aux services chargés du budget « d’engager un travail de rimputation afin de rattacher les dé‐ penses concernées au niveau des titres qui doivent être nor‐ malement les leurs (III ou V) », rappelle la Cour. Aussi, elle demande au ministère de l’Education nationale de faire cesser l’utilisation du compte de dépôt du Pamod pour l’exécution des crédits de transfert destinés aux écoles élémentaires mais aussi de veiller à ce que les écoles élémen‐ taires reçoivent effectivement les crédits de transfert qui leur sont destinés conformément à l’autorisation parlementaire. La Cour demande au Dage de cesser d’utiliser le compte de dépôt n°368.4.037 intitulé Men/Projet d’appui à la modernisation des daaras comme réceptacle de divers crédits de transferts.
CMG