Le tribunal des flagrants délits de Dakar a mis hier en délibéré, au 03 juin prochain, l’affaire Bah Diakhaté et imam Ahmed Tidiane Ndao.
Tel un vieux serpent de mer, les hostilités au tribunal de grande instance de Dakar entre l’Alliance pour la république (Apr) et Pastef refont surface. Moins de deux mois après le répit lié aux élections
qui ont consacré l’arrivée au pouvoir du président Bassirou Diomaye Faye, les deux protagonistes déterrent la hache de guerre. Premiers à répondre des délits d’opinion sous le règne des nouvelles autorités du pays, Bah Diakhaté et imam Ahmed Tidiane Ndao ont comparu hier au tribunal des fla‐ grants délits de Dakar pour offense à une autorité ayant tout ou partie des prérogatives du chef de l’Etat (Ousmane Sonko) et diffusions de fausses nouvelles. Devant leurs souteneurs, Moustapha Diakhaté,
ancien président du groupe parlementaire de BBY venu très tôt assister au procès, Adama dit Adus Fall, Djibril War, ancien député, l’ancien ministre des Transports aériens Me Antoine Mbengue qui a repris sa toge d’avocat et d’autres membres du régime sortant dans la salle, ils ont été jugés. Ainsi, après
plus de 10 tours d’horloge de plaidoirie et un réquisitoire interminable, les détenus ont re‐ gagné leurs cellules en attendant le verdict prévu le 03 juin prochain. La demande de liberté provisoire plaidée par les avocats de la défense avant de se raviser, a été rejetée par le maître des poursuites évoquant des risques de réitération des faits incriminés et des doutes sur la garantie de présentation. Le procureur a requis une peine de six (6) mois ferme et une amende de 100 000 CFA à payer individuellement au trésor public, la confis‐ cation et la destruction des vidéos saisies, le retrait des propos sur le Net (les réseaux sociaux) en saisissant la CDP, les fournisseurs téléphones et enfin, faire publier aux frais des deux détenus, la publication du verdict dans les journaux Le Soleil, Seneweb, Senenews et
L’Observateur. Un procès qui a tenu en haleine. Sans partie civile puisque c’est le parquet qui
s’est autosaisi, les avocats de la défense ont rivalisé d’ardeur.
Les détenus n’ont pas été en reste. Sans confrontation et libres comme des poissons dans l’eau, Bah Diakhaté et imam Ahmed Tidiane Ndao, ont donné, chacun en ce qui le concerne, sa part de vérité sur les faits qui leur sont reprochés. «Je n’ai jamais fait amende honorable devant les enquêteurs.
Je reconnais en partie l’authen‐ ticité des audio qui se sont opposés. Mais j’étais forcé à dire oui. C’était en l’absence de mes avocats. Je n’ai jamais présenté des excuses. J’étais contraint à signer le procès‐verbal d’enquête préliminaire à la Dic. Ce n’est pas nouveau. J’ai enregistré ces audio depuis l’incendie
de l’université Cheikh Anta Diop. Concernant la sodomie sur Adji Sarr, je rappelais ce que
dit l’islam sur cet aspect de la vie et j’enseignais sur ce que dit la charia. Je n’ai pas dit que j’ai commis une erreur. Je n’ai jamais tenu de tels propos. Je n’ai jamais dit que la première per‐ sonne reçue par Sonko à la mairie de Ziguinchor est un homo. J’ai repris des propos contenus dans une vidéo de Bah Diakhaté», s’est‐il défendu. Toute‐ fois, l’avocat de ce dernier est formel. «Il y a deux procédures distinctes. Mon client n’est pas à la barre pour répondre du délit de complicité a t-il recadré ?
Quand Sonko «cachait» un immeuble de 100 millions «Je n’ai aucun pouvoir devant la justice et la loi. Si vous pensez que je suis coupable, mettez‐ moi en prison pour 10 ans», a‐t‐
il appelé soutenant contrairement à ce qui a été repris par la presse qu’il a tou‐ jours été fermé depuis de cette affaire . «Je n’ai jamais présenté des excuses en affirmant que j’ai été induit en erreur. J’étais contraint à signer le procèsver‐ bal de police », s’est défendu Ahmed Tidiane Ndao. Revenant sur l’affaire Adji Sarr, il a confié que le jour du procès, sa pudeur ne lui a pas donné le courage de suivre tout le procès à l’audience spéciale en raison des paroles qui sortaient de la bouche de la victime. «Je ne pouvais pas supporter les mots et les accusations de sodomie Adji Sarr contre Ousmane Sonko », a‐t‐il justifié son départ de la salle de l’audience.
Sur une bonne voie de défense mais cette déclaration a fait sor‐ tir Me El Hadji Diouf de ses gonds qui se fâche du coup. «Li‐ mite toi à ce qu’on te demande
sinon je ne vais plus te défendre», a pesté l’avocat qui ne voulait pas entendre de bonnes paroles sur l’actuel président du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye. «Je confirme que le dis‐ cours de Sonko fait la promotion de l’homosexualité ». Je suis un homme politique qui défend les intérêts de mon parti. Ma réaction est politique. Elle visait ceux qui tiraient sur le régime de Macky et ce qui nous fait perdre le pouvoir. Je voulais
faire comprendre aux popula‐ tions que Ousmane Sonko qui avait promis de criminaliser l’homosexualité une fois au pouvoir, a changé de fusil d’épaule», a justifié Bah Diakhaté sur sa sortie. Mieux, pour
enfoncer l’actuel Premier ministre (Pm), Bah Diakhaté et ses conseillers ont exhibé un acte de vente d’un immeuble à 100 millions portant la signature de Ousmane Sonko devant un notaire. Par ce titre de propriété brandie au nom et pour le compte du président du Pastef au profit de Astou Gueye en 2018, Bah Diakhaté a relevé les contradictions dans la déclaration de patrimoine de Ous‐ mane Sonko en 2016 et du nouveau président de la République, Bassirou Diomaye Faye à la veille de la présidentielle de mars 2024. «Il l’a vendu un im‐ meuble à 100 millions qui ne figurait pas dans sa déclaration de patrimoine et son livre Solution. C’est un faux.
Le président de la République Bassirou Dio‐ maye Faye a aussi vendu un im‐ meuble à un inspecteur des impôts», a‐t‐il insisté pour as‐ seoir sa thèse. Les documents
à titre de preuves des alléga‐ tions contre les deux plus hautes autorités du pays four‐ nies, le procureur doute de leur fiabilité. «Je ne dis pas que les documents sont faux mais j’émet des doutes sur authenti‐ cité», a rétorqué le maître des poursuites. «Vous n’êtes pas à l’aise M. Le procureur», a lancé Me El Diouf au procureur qui rétorque dans la foulée : «Je suis parfaitement à l’aise. Et ça se ressent tout à l’heure». La robe noire de poursuivre dans ses diatribes en s’interrogeant si le parquet n’a pas été instrumentalisé dans cette procédure. «Je n’accepte pas cette question. C’est gravissime. C’est une question tendancieuse. Le parquet s’est autosaisi.
Personne n’a porté plainte», a tapé du poing sur la table, le procureur de la république avant de dire tout le respect qu’il a pour Me El Diouf. «Quand j’étais jeune stagiaire, vous aviez salué ma perspicacité et cela m’a beau‐ coup réconforté», est‐il revenu. Mais avec Me Amadou Sall, l’atmosphère est autre. Oubli ou omission volontaire Etrange ! La question du financement ou activités à hauteur de 10 millions depuis 2021 de Bah Diakhaté par des pontes du régime déchu de Macky Sall, n’a pas été évoquée. Ni par le parquet ni par les avocats de la défense. Pourtant, lors de son interrogatoire devant les éléments enquêteurs, cet aspect du dossier avait suscité moult interrogations. A telle enseigne qu’un volet de bois vert a suivi en direction des responsables politiques de Macky Sall contre Ousmane Sonko et Pastef. Ironie du sort. Omission ou oubli volontaire, aucune des parties n’en a fait cas sauf Me Amadou Sall qui a déclaré qu’il ne trouve aucune honte à en parler sans vraiment entrer dans les détails.
En tout état de cause, son collègue, Me El Diouf, a déclaré que ce procès qui n’aurait jamais dû avoir lieu, est une «honte pour Ousmane Sonko». «Le dossier devait être classé sans suite pour éviter de déshonorer Ousmane Sonko. Je me demande pourquoi cet affolement et précipitation à arrêter Bah Diakhaté même un jour férié. Le procureur s’est trompé dans son réquisitoire. Pendant plus d’un tour d’horloge, il a tenté de trouver en vain les éléments constitutifs du délit pour faire entrer en de condamnation», a‐t‐il déploré, estimant qu’avec cette affaire, le Sénégal a depuis le 24 mars dernier, un «président auprès d’un Premier ministre plus fort». «Du début à la fin, rien ne peut entraîner une condamnation des prévenus. On aurait pu nous dispenser de ce jugement. Imam Ndao et Bah Diakhaté doivent recouvrer la liberté sans peine ni dépens»,
a‐t‐il plaidé. «Il s’agit d’un procès politique et de règlements de comptes entre les deux régimes. Mon client a pris un po‐ sition politique contre une personne politique. Il a clairement déclaré qu’en tenant ses propos, il ne s’attaquait pas au Pm du Sénégal. C’est une réflexion et non une accusation contre Sonko sur l’agenda de Pastef en recevant des homosexuels ou défendant la cause
LGBT», a plaidé Me Oumar Diallo. Quant à Me Alioune Ba‐ dara Fall , ce dossier ne devrait
même pas atterrir devant la barre du Tribunal pour la simple raison que Bah Diakhaté, militant de l’Apr répondait au chef de parti Pastef. «Avec Diomaye‐ Sonko, on va tout droit vers un régime primatorial en lieu et place du régime présidentiel et un Pm plus fort que le président de la République. Vous n’avez pas d’éléments dans ce dossier et vous ne pouvez pas entrer en voie de condamnation. Par conséquent, je vous demande de relaxer purement et simplement Bah Diakhaté et imam Ahmed Tidiane Ndao», a plaidé Me Alioune Badara Fall. Avec allant sans commune mesure, Me El Diouf de revenir à la charge et de justifier la position de Ousmane Sonko devant le leader de la France insoumise.
«Jean‐Luc Mélenchon est venu prendre sa part du butin. Au fort de la crise, il a porté la voix de Pastef dans le monde et mis à contribution Me Juan Branco, son avocat. Maintenant que Pastef est arrivé au pouvoir, il est invité et accueilli à bras ou‐ verts. On accepte le leader des homosexuels Français au Séné‐ gal mais on s’attaque aux Séné‐ galais parce qu’il a été invité par Ousmane Sonko. Il était intou‐ chable et maintenant qu’il est devenu Pm, ça va être pire. On invente une infraction pour protéger Ousmane Sonko parce qu’on a peur de lui. Le Sénégal retient son souffle. Libé‐ rez ces dignes fils», a attaqué Me El Diouf les juges qui ont fait l’objet de toutes les critiques de la part de Ousmane Sonko dans un passé récent.