C’est un sentiment de soulagement qui a animé la plupart des électeurs, après avoir pu satisfaire à leur devoir civique, celui de participer à l’élection de la personne qui aura en charge de conduire les destinées du pays pour les cinq prochaines années. Ce geste devrait être une banalité dans un pays qui vote depuis 1848, selon le système électoral moderne, mais il est devenu, en cette année 2024, une belle victoire pour le Peuple de pouvoir consacrer à cette tradition. En effet, toutes sortes d’embûches ont été posées sur le processus électoral par des acteurs politiques égoïstement avides de pouvoir, au point de nous faire rater le premier rendez-vous du premier tour de scrutin du 25 février 2024. Le doute s’était installé, et les électeurs restaient encore sceptiques quant à l’idée de voter pour le 24 mars 2024. C’est ainsi qu’on a pu noter un véritable sursaut. Ils étaient sortis certes plus nombreux que lors des élections législatives, mais moins que lors de la Présidentielle de 2019, toutefois, pour exprimer, plus que jamais, leur choix libre. Le message que les électeurs ont semblé vouloir donner est que plus que jamais, ce sont les électeurs qui décident de la destinée de leur Nation et de l’identité de la personne qu’ils choisiront pour les diriger. Les manœuvres sournoises n’ont pas réussi à avoir raison de leur détermination et un sursaut d’orgueil, de révolte. On a assisté à une sorte de référendum pour un vote sur le bilan du régime de Macky Sall. Les programmes présentés aux électeurs ou les profils des candidats n’ont pas été des facteurs déterminants dans le choix des électeurs. De façon caricaturale, on peut dire que la prouesse de Pastef aura été de vendre une idée, une utopie, un projet que chacun d’entre eux pouvait porter et le faire gagner. Les masses se retrouveraient ainsi derrière chaque porteur du fanion.
L’autre leçon qu’il faudra retenir de cette compétition électorale est que les électeurs ont fait montre de courage et de vaillance à toute épreuve. Ils ont ainsi refusé de céder à toutes formes d’intimidation. C’est sans doute un autre échec, et bien cuisant, pour ceux qui espéraient, jusqu’à la dernière minute, empêcher la tenue d’un scrutin auquel ils n’étaient pas qualifiés. Ils étaient nombreux à avoir réussi à vaincre leur peur. On pouvait d’ailleurs présager cette attitude, car les citoyens ont vécu dans une certaine fièvre festine la campagne électorale, bien qu’elle se soit pourtant déroulée dans des conditions difficiles du fait de la réduction de sa durée en raison des contraintes d’adapter le calendrier électoral pour rattraper le temps perdu par la décision de report de l’élection, initialement prévue au 25 février dernier. Le bel indicateur aura été la liesse qui avait accompagné des caravanes comme celle du candidat Amadou Ba, du Cap Skiring à Ziguinchor, ou dans des zones de la Casamance réputées périlleuses pour des personnalités politiques proches du pouvoir de Macky Sall. La Coalition «Diomaye Président» a elle aussi pu parader dans des zones qui lui apparaissaient a priori hostiles. On se félicitera aussi que durant la soirée électorale d’hier, contrairement à 2019, les journalistes ont pu donner tranquillement les résultats sortis des bureaux de vote.
La compilation des résultats n’était pas encore terminée au moment de notre bouclage. Il n’en demeure pas moins que quelques constats généraux peuvent être faits. Les suffrages exprimés ont démontré que la pléthore de candidats ne saurait signifier une dispersion des votes. Le scrutin a indiqué principalement une bipolarisation de l’électorat entre les camps Benno bokk yaaakar et de l’ex-Pastef. Cet enseignement devra certainement relancer la réflexion sur les conditions de sélection des candidats. Encore une fois, le filtre ou le tamis des candidats farfelus et fantaisistes devra aider à clarifier le jeu politique. On voit bien qu’on a dépensé beaucoup d’argent et d’énergie pour rien, pour des candidats qui se sont disputé le ridicule. A-t-on aussi noté que les deux camps ont conservé pratiquement leurs fiefs électoraux. Les électeurs ont semblé voter à cette Présidentielle comme lors des élections législatives. La zone de l’axe Diourbel-Touba reste acquise à l’opposition comme Dakar et sa banlieue, ainsi que Ziguinchor. Le vote du Fouta reste largement favorable au candidat de Bby, ainsi que le vote des nombreux départements des régions de Saint-Louis, Kolda, Fatick, Tambacounda, Kédougou, Kaffrine, Kaolack et autres. Les gros scores de Bassirou Diomaye Faye dans les zones urbaines sont renforcés par les divisions au sein de Bby. Les gaps ont été très lourds pour le candidat Amadou Ba. Le camp de Bby a cherché assez tardivement à se mobiliser derrière Amadou Ba, durant les tout derniers jours de la campagne, mais le mal était déjà fait. L’hostilité manifestée par le Président Macky Sall à l’endroit de son ancien Premier ministre, avant de se ressaisir, n’a pas manqué de rejaillir sur nombre de ses proches qui ont posé l’acte suicidaire de chercher à punir Amadou Ba, pour on ne sait quel crime ? Ces responsables ont joué avec le feu et ont fini par embraser la maison Bby. Le Président Macky Sall a posé de nombreux actes qui ont pu donner de l’élan à la campagne de Bassirou Diomaye Faye. Le vote a également révélé que les alliés de l’ex-Pastef de la Coalition Yewwi askan wi (Yaw), et qui avait choisi de faire cavalier seul, comme Déthié Fall, Khalifa Ababacar Sall et le candidat du Pur, n’ont pas réussi à entraîner avec eux leurs électeurs traditionnels. La rébellion de responsables du Pds contre la consigne de vote donnée par Karim Wade en faveur de Bassirou Diomaye Faye n’a pas non plus pu profiter à Amadou Ba.