Le fonctionnaire aux nombreuses casquettes Boubacar Camara, après des années passées à conseiller les dirigeants, au Sénégal et à l’étranger, aspire maintenant à tenir les rênes de son pays.
M. Camara, l’un des 19 candidats à l’élection présidentielle sénégalaise du 24 mars, a exercé plusieurs métiers et de hautes fonctions : soldat, officier de la marine marchande et expert maritime, contrôleur et inspecteur des douanes, directeur général des douanes, inspecteur général d’État, consultant international et avocat.
Prenant goût à la politique, Kamah – son surnom – crée en 2016 le mouvement ‘’Génération Y’’ et aspire à diriger le Sénégal. ‘’Je suis entré en politique pour contribuer de manière engagée. J’ai contribué en tant que fonctionnaire. J’ai soufflé dans l’oreille de beaucoup d’hommes politiques, y compris des chefs d’État, qui m’ont dit que c’était bien’’, déclare Boubacar Camara lors d’un débat organisé par Nubianlane, ‘’un cercle de réflexion sur les problématiques de développement en Afrique’’, basé à Dakar.
‘’Nous estimons que l’exploitation de nos ressources naturelles n’est pas judicieuse’’, soutient Boubacar Camara, dont la candidature à l’élection présidentielle de 2019 a été rejetée à cause de parrains insuffisants.
Mars 2024. L’homme de 65 ans revient à la charge et figure parmi les 20 prétendants – sur 93 dossiers de candidature déposés au Conseil constitutionnel – autorisés à briguer les suffrages des Sénégalais.
Né à Dakar, Kamah a passé son enfance entre la Sicap Rue 10 et Grand-Yoff, un quartier de la banlieue. C’est dans cette ville qu’il décroche un baccalauréat scientifique, le sésame qui lui ouvre les portes de la marine marchande, et devient officier, puis expert maritime.
En vingt ans, Boubacar Camara gravit les échelons des douanes sénégalaises, du grade d’agent breveté aux fonctions de directeur général.
L’année 2000 a été prodigieuse dans sa carrière. Quelques jours avant sa nomination au poste de directeur général des douanes par le tout nouveau président de la République, Abdoulaye Wade, l’ancien soldat est admis au concours professionnel de la prestigieuse Inspection générale d’État (IGE). Mais il rejoindra ce corps d’élite en 2004 et la quitte deux ans plus tard en prenant une disponibilité pour se lancer dans le conseil de sociétés privées, d’administrations douanières en Afrique et de sociétés internationales de contrôle.
Sollicité de part et d’autre, M. Camara quitte définitivement l’Inspection générale d’État au milieu des années 2010 en anticipant sa retraite de huit ans.
‘’On ne peut pas comprendre notre programme +Tabax+, construire en langue wolof, sans comprendre notre conception du +jengu+, c’est-à-dire le refus de l’utilisation de l’État comme instrument d’enrichissement personnel’’, déclare le candidat du Parti de la construction et de la solidarité (PCS/Jengu Tabax), ajoutant : ‘’nous sommes engagés pour un sursaut salvateur. Il y a beaucoup de désordre dans […] les institutions sénégalaises.’’
‘’Nous ne pouvons plus rester le fonctionnaire qui donne des conseils’’, soutient-il, dénonçant ‘’la politisation des institutions’’ du pays.
Le docteur en droit de l’université Pierre-Mendès-France de Grenoble (France), cofondateur de deux instituts supérieurs de formation, fait partie des concepteurs d’une application de collecte électronique des documents, le célèbre système Orbus 2000, un complément de Gaïndé 2000. Deux outils qui ont valu beaucoup de satisfaction aux douanes sénégalaises.
Titulaire d’un certificat d’aptitude à la profession d’avocat, M. Camara est membre du barreau de Paris depuis 2008. À la fin de la décennie 2000-2010, il entame une collaboration avec le ministre Karim Wade, le fils du président de la République, en exerçant les fonctions de secrétaire général du département ministériel de la Coopération internationale, des Transports aériens, des Infrastructures et de l’Énergie. Durant la même période, le multicarte Boubacar Camara préside le conseil d’administration de la compagnie Sénégal Airlines.
Au milieu des années 2010, le théoricien de la philosophie politique ‘’jengu tabax’’ (se retrousser les manches, au service du pays) se reconvertit dans l’immobilier, en même temps qu’il conseille des groupes internationaux et des pays africains dans les domaines de l’énergie solaire, des hydrocarbures, du partenariat public-privé, de la douane, du commerce international et de l’investissement direct en Afrique.
Boubacar Camara, président du conseil d’administration de Sococim Industries, l’un des principaux fabricants de ciment du pays, en démissionne après six ans, s’engage en politique et crée le mouvement ‘’Jengu Ngir Jëriñ Senegaal’’ en mai 2018, puis le PCS/Jengu Tabax en avril 2019.
Secrétaire général d’un cabinet international d’architecture depuis près de cinq ans, il a conseillé pendant plusieurs années la République démocratique du Congo en matière de ‘’structuration des financements’’ et a été directeur général adjoint des douanes du Bénin. Pendant deux ans.
‘’Cette mission exercée en tant que Sénégalais et ancien directeur général des douanes de mon pays est un exemple de solidarité à l’actif du président de la République, Patrice Talon, qui a très tôt compris que l’expertise n’a pas de frontières’’, écrit Kamah en annonçant, en novembre 2023, la fin de sa collaboration avec les autorités béninoises.
Au cours des cinq dernières années, Boubacar Camara a mené une vie politique très active. Le fonctionnaire devenu opposant a exercé les fonctions de superviseur général de la campagne électorale d’Ousmane Sonko en 2019, après le rejet de sa propre candidature par le Conseil constitutionnel. Entre-temps, il a soutenu la coalition Jotna dirigée par M. Sonko, avec lequel il fonde (avec d’autres leaders politiques) Yewwi Askan Wi, une coalition qu’il quittera après l’échec de sa liste à l’élection du conseil municipal de Grand-Yoff.
Pour les élections législatives de 2022, Boubacar Camara lance sans succès la coalition ‘’Tabax Jotna’’ et le Plan Buddi. Il publie ensuite, chez L’Harmattan Sénégal, son ‘’livre-programme’’ intitulé ‘’Construire le Sénégal du futur’’ (300 pages). Dans l’ouvrage figure un chapitre de 80 pages titré ‘’Mettre de l’ordre’’ !