Benno Bokk Pastef en marche

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Mame Boye Diao, Doura Baldé et 6 autres maires du département de Kolda, ou les 14 du département de Mbacké, dont Gallo Ba, ancien ministre de la Fonction publique, Papa Banda Dièye de Tambacounda, Malick Sall, ancien ministre de la Justice…, telle est la liste non exhaustive de transfuges de l’ancien parti au pouvoir pour les nouvelles prairies vertes de Pastef. Adji Mbergane Kanouté est, pour l’instant, la dernière d’une longue liste de responsables du pouvoir défait en mars 2024 qui ont décidé de soutenir la liste de Pastef aux Législatives. Vu les positions antérieures qu’elle tenait, notamment quand le Premier ministre refusait de faire sa Déclaration de politique générale, et surtout le respect et la considération qu’elle avait gagnés aux yeux de l’opinion, sa transhumance en a surpris plus d’un et les arguments avancés sont plus légers qu’un duvet de canard. Dire que le Doyen Alla Kane «mérite un soutien sans réserve pour représenter le Peuple qu’il n’a jamais cessé de défendre», c’est quand même prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages.

Mais au fond, Pastef est resté constant dans sa démarche abjecte consistant à conquérir le pouvoir par tous les moyens, y compris des moyens immoraux. Et ce, malgré les déclarations par-ci et par-là de rejet du nomadisme politique. «S’il faille s’allier avec ceux pour qui nous sommes entrés en politique, mieux vaut abandonner la politique et aller faire autre chose.» Cette déclaration du leader de Pastef à la veille des Législatives en 2017 sera pourtant suivie d’une alliance avec Khalifa Sall et Karim Wade, après avoir chanté les louanges de Wade-Père, à qui la guillotine avait été promise pour avoir mal géré ce pays, comme tous les anciens présidents de la République entre 2019 et 2024. Et l’on tentera de tout justifier par le «contexte».

Les discours de circonstance est le propre de Pastef. «Je rappelle la position historique de notre parti. Pastef reste ouvert à collaborer avec tous les Sénégalais convaincus par le projet et soucieux de son succès. En revanche, il reste fermé à toute personne impliquée dans une gestion scandaleuse d’une responsabilité publique ou ayant fait montre d’un zèle excessif dans l’inimitié contre le parti, ses leaders ou ses membres.» Puis le discours devient plus conciliant : «Que ceux qui veulent nous rejoindre restent dans leur base.» Mais au fond, qui a décidé qu’un tel a les mains propres ou les mains sales ?

La peur de perdre les Législatives…
Face au rejet systématique du phénomène, Pastef veut nous vendre qu’un «cercle est un carré» en faisant de la sémantique. Aujourd’hui, dans le camp présidentiel, les transhumants sont appelés «alliés», «soutiens». Fadilou Keïta est même monté au créneau pour préciser que «Pastef n’a pas accueilli de nouvelles adhésions. Pastef n’a enregistré aucune transhumance. En revanche, le mouvement a reçu plusieurs soutiens, notamment de la part d’élus et d’acteurs politiques issus du Pds, de l’Apr et d’autres partis». C’est vrai. Entre péripatéticienne, prostituée, racoleuse, on ne parle pas de la même chose. Pastef se voulait chantre de la restauration de la morale et de l’éthique en politique, et de ne jamais accepter la transhumance. Mais aujourd’hui, Sonko et ses partisans ont hissé la transhumance à une échelle qui pourrait tuer pour longtemps la morale, l’honneur et la dignité des hommes politiques.

Pastef est en effet devenu le Mbeubeuss (décharge d’ordures) de l’espace politique au point de travestir la dynamique de Jub-Jubal-Jubanti prônée par le Président Bassirou Diomaye Faye en se lançant dans une course effrénée à l’adoption et à la domestication de fauves et reptiles qui ont parcouru et dragué tous les partis aux alentours. On est en droit de se demander pour qui se prennent ces acteurs politiques qui se livrent poings et pieds liés à l’ennemi à abattre il y a seulement quelques mois ? On doit aussi se demander pour qui ces mêmes acteurs prennent leurs militants, compagnons et électeurs ? Ou la peur de perdre les Législatives pour Pastef vaut-elle toutes ces contorsions pour ravaler son vomi en ouvrant le bal de la racaille ?

Au fond, Pastef a beau chercher à se démarquer, mais la réalité est simple et déconcertante à la fois : même pipe, même tabac. En effet, la politique au Sénégal, ce n’est pas une affaire d’idéologies ou de conviction. Le projet de société, le programme économique, n’en parlons même pas ! C’est toujours une affaire d’hommes ! Il y a juste deux partis au Sénégal: le Parti au pouvoir (Pap) et le Parti des opposés (Pdo). Le Pap, c’est aujourd’hui Pastef et ses alliés qui attendent leurs «pastilles». Ceux qui partent les rejoindre attendent leur «part du gâteau» au nez et à la barbe des «défenseurs historiques du Projet». Et, en face du Pap, il y a le Pdo dispersé, désorganisé, qui se cherche et qui se cherche un leader ou un guide. Macky Sall aurait pu être ce bon guide, mais il a préféré faire une campagne électorale WhatsApp. C’est-à-dire faire du télétravail. Et bizarrement, cela semble satisfaire ses partisans.

Au Sénégal personne ne veut changer le système
Finalement, ce n’est pas une affaire d’hommes, c’est une affaire de système. Effectivement, ce sont les hommes qui font le système, mais au Sénégal personne ne veut changer le système. C’est du «ôte-toi de là que je m’y mette» seulement. Ceux qui combattent le pouvoir, pour l’écrasante majorité, ils ne cherchent qu’à s’emparer du système pour perpétuer ce qu’ils avaient dénoncé hier. N’a-t-on pas dénoncé les chargés de mission des institutions hier pour voir aujourd’hui Pastef en nommer presque une cinquantaine d’un seul coup ?

Et tant que le système ne change pas, les acteurs politiques seront toujours attirés par les lambris dorés du pouvoir, perçu comme un moyen de se servir plutôt que servir la collectivité, l’intérêt général. Les hommes au pouvoir seront toujours tentés de conserver ce pouvoir, quitte à faire les choses les plus abominables. Ansoumana Dionne, président de l’Assam, a bien raison de pointer la transhumance comme «une autre forme de maladie mentale». «En politique, si la fidélité ou le respect de la parole donnée sont totalement bafoués par les personnes qui sont censées diriger notre pays, il y a de quoi s’inquiéter concernant la stabilité, la cohésion sociale dans la Nation.» Et d’ajouter : «Et, ce sont nos acteurs politiques qui, malheureusement, sont à l’origine de la promotion du mensonge et d’autres contre-valeurs qui, sans nul doute, risquent de plonger notre pays dans une catastrophe économique. Il faut d’abord être un hypocrite, au vrai sens du terme, pour accepter de vendre son propre honneur pour des privilèges (…). Notre société d’aujourd’hui, fondée sur la promotion de la médiocrité, l’injustice, la méchanceté, entre autres, est à revoir en profondeur.»

La politique est noble, mais les politiciens sénégalais sont ignobles. Et il ne faut pas désespérer de vivre dans une République où les valeurs sont au centre de la gouvernance politique. Mais ce n’est pas avec Pastef, malheureusement.

POST SCRIPTUM
C’est le lieu de rendre hommage à Mamadou Moustapha Ba. Ce grand commis de l’Etat qui a consacré sa vie à servir son pays. Les hommages fusent de partout, l’ancien comme l’actuel président de la République, Amadou Ba, de même que de haut responsables du Fmi. C’est le lieu aussi de distinguer l’hommage que le Cemga Mbaye Cissé lui a rendu parmi le lot. Mais également de s’interroger sur le silence de Cheikh Diba et du ministère de l’Economie. Peuvent-ils rendre hommage à quelqu’un que, il n’y a guère longtemps, le chef du gouvernement taxait de faussaire sous leur silence approbateur ?