Le rapport transmis au parquet financier par la Cellule nationale de traitement des infor‐ mations financière (Centif) est tout simplement explosif.
«Il apparait, au regard de ce qui précède, des indices graves et concordants de blanchiment de capitaux issus du faux, de l’usage de faux, de l’usurpation d’une qualité attachée à une profession légalement régle‐ mentée ; de l’escroquerie ; de la violation de l’article 679 du Code général des Impôts et des dispositions du Règlement rela‐ tif aux relations financières ex‐ térieures des Etats membres de l’Union économique et mo‐ nétaire Ouest‐africaine (Uemoa) et de la loi n° 2014‐12 du 28 février 2014 sur le conten‐ tieux des infractions à la régle‐ mentation des relations financières extérieures des Etats membres de l’Uemoa et d’autres infractions ». C’est par ce verdict sans appel que la Cel‐ lule nationale de traitement des informations financières a conclu son rapport sur l’affaire dite Choice forex limited. A la suite de la réception du rap‐ port, le parquet financier a de‐ mandé l’ouverture d’une information judiciaire pour as‐ sociation de malfaiteurs, blan‐ chiment de capitaux entre autres. Le dossier, au‐delà de Choice forex limited, implique d’autres sociétés ainsi que de bureaux de change. Dans cette affaire, les mis en cause ont fait l’objet de plusieurs déclarations suspectes initiées par trois ins‐ titutions financières.
Trois institutions financières à l’origine des déclarations d’opérations suspectes
Choice Forex limited est titulaire du compte numéro 0100121300000212 ouvert le 08 avril 2021 dans les livres d’une banque de la place. Ladite so‐ ciété qui dispose d’un capital de cent mille (100.000) livres ster‐ ling soit une contre‐valeur de soit soixante‐quinze millions deux cents vingt‐neuf mille quatre‐vingt‐trois (75.229.083) Fcfa a son siège social à Londres et un bureau de représentation au Sénégal sis à la Cité Comico Ouakam.
Les principaux signataires du compte sont Nicholas Ian Bridges, le directeur général de la société ; le directeur financier du groupe Subas Das ; la directrice des opérations Ana Lorena Koberg Marenco et Anta Gaye en qualité de représentante légale.
La société est spécialisée dans le commerce général de produits de tous types ; ��le mobi‐ lier et l’immobilier ; ��la finance, la fourniture de services de change, le transfert d’argent ; ��l’import‐export de marchandises ; ��le consulting, les Btp ; mais aussi la mécanique et le secteur de l’électricité.
Il apparait dans le fonctionnement du compte de Choice forex limited un caractère atypique. En effet, ledit compte enregistre des opérations d’encaissements constituées de versements en espèces, de vi‐ rements, d’achats de devises et de règlements de factures por‐ tant sur de gros montants allantde400000à1639892500 Fcfa. Ainsi, du 05 mai 2021 au 26 mars 2024, ledit compte a enregistré un total flux créditeur de 81 998 467 623 Fcfa.
81,998 milliards de Fcfa retra‐ cés dans le compte de Choice forex entre le 5 mai 2021 et 26 mars 2024
Les intervenants les plus remarquables se trouvent être H2 global Sarl, Hassan Haytham, Song Naba trading, Mamadou Adama Diallo, Bambara et associés, Hubpay et Fall distribution. Concernant les opérations de décaissements, elles sont es‐ sentiellement composées de vi‐ rements et de transferts d’argent portant sur des sommes allant de 5 370 000 à 2 500 000 000 Fcfa. Ainsi, la somme totale des flux débi‐ teurs est égale à 78 734 264 637 Fcfa. Les principaux bénéfi‐ ciaires desdites opérations dé‐ bitrices se trouvent être des structures comme Worldremit Ltd.
Par ailleurs, la Centif a constaté que du 05 mai 2021 au 26 mars 2024, le compte de Choice forex limited a enregistré un solde créditeur de 3 264.202 986 Fcfa. A l’analyse, il ressort que 96% des sommes reçues ont été décaissées. Autrement dit, la quasi‐totalité des sommes reçues ont été aussitôt transférées ou virés en faveur d’autres structures. D’après les renseignements fiMise en page 1
nanciers, Choice forex limited li‐ mited n’a pas produit de justifi‐ catifs à ces importantes opérations créditrices du compte ; ce qui confère un ca‐ ractère atypique aux transactions en cause. Par ail‐ leurs, il se trouve que la struc‐ ture Choice forex limited offre des crédits généraux et indus‐ triels à moyen ou long terme à ses partenaires commerciaux alors qu’elle n’en a pas l’habili‐ tation.
Elle exerce donc illégalement des activités bancaires puisqu’au regard de ces élé‐ ments son intervention dé‐ borde du cadre des transferts d’argent.
En plus, Choice forex limited fournit des services de change manuel en faveur de sociétés établies à l’étranger souhaitant racheter des devises alors qu’elle ne dispose pas d’agré‐ ment comme en atteste la ré‐ ponse communiquée à la Centif par la Direction de la monnaie et du crédit (Dmc) selon la‐ quelle «Choice forex limited ne figure pas sur la liste des agréés de change manuel ». Par consé‐ quent, les actes de l’entité constituent une violation fla‐ grante du règlement relatif aux relations financières exté‐ rieures des Etats membres de l’Uemoa.
Il ressort des investigations de la Centif que Choice forex limited est une filiale de Choice internationale. Cette dernière traite des paiements transfrontaliers depuis 2004. Ainsi, c’est en 2006 qu’elle a créé Choice forex qui est un département spécialisé dans la gestion des transactions commerciales internationales et est un établissement de paiement agréé enregistré auprès de la Financial conduct authority de Grande Bretagne sous le numéro 586676.
Toutefois, Choice forex reste dépourvue de la prérogative d’accorder des crédits à des personnes physiques ou mo‐ rales car seules les institutions financières agréées par la Bceao sont habilitées à exercer une telle activité. D’ailleurs, selon une information obtenue par la Centif, Choice forex limi‐ ted Sarl a eu un contentieux ju‐ diciaire avec la Banque atlantique du Sénégal.
D’un autre côté, l’analyse de la nature des transactions finan‐ cières enregistrées sur le compte de Choice forex limited laisse apparaitre des transferts de fonds, des opérations de change et des achats de de‐ vises impliquant plusieurs inter‐ venants dont des sociétés étrangères qui effectuent et bénéficient de ses opérations financières. Une bonne masse des fonds transférés émane d’une activité non déclarée (telle que l’activité de change manuel) et de ce fait n’est pas fiscalisé.
La Centif soupçonne Worldre‐ mit Ltd de complicité
La Centif insiste aussi sur le cas de Worldremit Ltd qui dispose d’un compte ouvert dans les livres de la United bank for Africa (Uba). Ledit compte a reçu un flux transactionnel soutenu de transferts internatio‐ naux enregistré au cours de l’année 2023. Le montant de ces transactions s’élève à 710.899.183.308 Fcfa dont la plus remarquable correspond à une somme de 709.901 897.835 Fcfa.
D’après la Centif, Worldremit Ltd s’est abstenue de transmettre les justificatifs relatifs au motif réel des multiples transferts reçus des sociétés comme Btc Africa, Bipesa Sénégal et Choice Forex limited Sarl.
A l’analyse de la Centif, il ressort que Worldremit Ltd est est une structure de transfert d’argent. Elle utilise 70 devises différentes et sert dans 130 pays à travers le monde. Elle présente trois options de transaction à savoir le dépôt bancaire, le transfert à partir d’un porte‐ feuille mobile et le retrait en es‐ pèces. L’analyse du fonctionnement de son compte ouvert dans les livres d’Uba, a montré que ledit compte enregistre de multiples transferts portant sur de gros montants et mettant en exergue plusieurs intervenants. En sus, l’autre remarque frappante de la Centif est relative aux différents intervenants qui sont tous des institutions de transferts d’argent comme Choice forex. Au vu de l’activité de la société mise en cause et de celle des intervenants, le fonctionnement du compte présente à première vue l’apparence normal d’un compte entreprise. Toutefois, d’après la Centif, «le flux transactionnel important de transferts internationaux atteignant un montant global de 710 899 183 308 Fcfa, devrait alerter la société et la pousser à appliquer des mesures de vigilance renforcée sur les transactions financières ef‐ fectuées à partir de sa plate‐ forme. Une bonne application des règles de Kyc et de Cdd indiquées à l’article 34 de la loi n°2024‐08 du 14/02/2024 rela‐ tive à la Lbc/Ft‐Padm aurait per‐ mis à Worldremit Ltd de connaitre son client (Choice forex limited), détecter l’activité illégale de change manuel qu’elle exerce et éventuellement, de mettre un terme à la relation d’affaires et de procéder à une déclaration d’opérations
suspectes ». La Centif d’ajouter : «L’absence (volontaire ou non) de mise en œuvre de cette obligation légale, quant à l’utilisation de sa plateforme par Worldremit ltd a offert la possibilité à Choice forex limited de procéder aux transactions susmentionnées. Wordremit Ltd peut donc, de ce fait être tenu comm complice de blanchiment de capitaux au sens de l’article 9 de la loi 2024‐08 du 14 février 2024 », d’après la Centif.
CMG