DÉLÉGATION GÉNÉRALE À LA PROMOTION DES PÔLES URBAINS DE DIAMNIADIO ET DU LAC ROSE : Le festin des opérateurs

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La Cour des comptes a relevé de graves abus en auditant la Délégation générale à la promotion des pôles urbains de Diamniadio et du Lac Rose (Dgpu, gestion 2017‐2020). Des faveurs indus ont été accordées aux opérateurs en sacrifiant les intérêts de l’Etat.

Dans son rapport sur la Dgpu, la Cour des comptes est revenue sur le montant de la participation financière des opérateurs aux travaux de Voirie et réseaux divers (Vrd). Ils sont respective‐ ment fixé à 2 900 Fcfa, 6 500 Fcfa et 10 000 Fcfa par m2 pour les développeurs immobiliers, les constructeurs‐ lotisseurs et les constructeurs individuels. Des montants très «faibles car restant sans commune mesure avec le volume des investissements que l’Etat doit réaliser », souligne la Cour des comptes. Il en est de même pour le prix du loyer annuel dont le mon‐ tant est fixé à 270 Fcfa par mètre carré pour tous les types d’opérateurs. «Cette situation crée un manque à gagner énorme pour l’Etat et la Dgpu dans la mesure où non seulement les tarifs sont dérisoires mais, en plus, il est offert aux
opérateurs la possibilité de constituer des hypothèques sur les assiettes objets des baux, de les sous‐louer ou les céder sur autorisation de la

Dgpu (article 6.5 des baux) »,indique la Cour. Ainsi, entre 2019 et 2023, dix‐ sept (17) autorisations d’hypothèques ont été accordées par la Délégation, aux opérateurs, pour lever un montant cumulé de 36 330 900 940 Fcfa auprès des banques et établissements financiers. «Aucune approbation du Conseil d’orientation
n’est émise sur ces opérations aux risques substantiels sur le patrimoine de la Dgpu », souligne la Cour. D’après elle, le projet de ré‐ forme des règles de gestion des terrains dans les pôles de‐ mandés par le Président de la République lors de la rencontre du 23 juin 2020 doit prendre en charge la nécessité de la modification de l’arrêté n°693. Enfin,
l’arrêté susvisé prévoit, pour les voies principales devant être réalisées par l’Etat, des emprises de 30 m, 40 m, 54 m et 70 m. Cependant, des ajustements ultérieurs ont été faits pour élargir ces voies. «La prise en compte de ce besoin est d’autant plus nécessaire qu’elle donnera une base légale à la modification subséquente des extraits de plans cadastraux délivrés aux bénéficiaires d’as‐ siettes », recommande la Cour.
Les vérificateurs indiquent aussi qu’à l’article 6.3.3 des baux emphytéotiques, relatif au transfert de propriété, il est stipulé que le développeur peut, après mise en valeur complète, demander et obte‐ nir de la Dgpu la cession de la superficie nette. Le prix de ces‐ sion est fixé à 6000 Fcfa le mètre carré. «Pourtant, ni l’ar‐ rêté présidentiel n° 693 du 21 janvier 2015 déterminant le montant du loyer annuel au mètre carré et les montants de la participation financière aux travaux de Vrd dans le Germe de Ville du Pôle urbain de Diamniadio, ni une quelconque délibération du Conseil d’orientation ne prévoient un tel prix.

De surcroit, cette tarifi‐ cation, non précédée d’une évaluation d’un expert, est in‐ compréhensible si on fait réfé‐ rence au compte rendu de la réunion présidentielle du 23 juin 2020 durant laquelle le mi‐ nistre de l’Urbanisme, du Loge‐ ment et de l’Hygiène publique a indiqué que la valeur du mètre carré de terre au niveau de la zone varie entre 90 000 et 100 000 Fcfa. Les responsables interpellés n’ont pas donné de base légale à la fixation de ce tarif », fustige la Cour. La Cour des comptes a aussi fait une autre découverte. Au total, les opérateurs, toutes catégories confondues, doivent à la Dgpu les montants de 3,5 milliards Fcfa au titre des loyers et 7,8 milliards Fcfa au titre des participations financières aux travaux de Vrd ; soit des ressources propres estimées à presque 12 milliards FCFA. Sur l’ensemble des exercices sous revue, les taux de recouvrement des loyers et des partici‐ pations financières n’atteignent pas le quart (25%) des créances dues. «Cela mon‐ tre que le Délégué général, l’Agent comptable ainsi que la Société civile professionnelle d’avocats (Scpa) M. A. G. et Associés avec laquelle, la Dgpu a signé, le 07 février 2020, une convention de représentation, n’ont pas été en mesure de re‐ couvrer intégralement ces créances.

Toutefois, la Scpa a effectué vingt‐quatre (24) commandements de payer, une (1) saisie‐attribution de créances et signé quatre (4) protocoles ayant permis d’encaisser les montants respectifs de 1 099 435 730 Fcfa et 1 490 583 930 Fcfa en 2020 et 2021 ; soit 2 590 019 660 Fcfa. De plus, elle a introduit une procédure conten‐ tieuse de recouvrement contre huit (8) opérateurs les 20 août 2020 et 13 octobre 2022. Aucun de ces dossiers n’est encore vidé en raison du défaut de production des justificatifs complémentaires à la Scpa. Les montants en cause sont estimés à 3 421 525 947 Fcfa.

La procédure serait terminée si le Délégué général et l’agent comptable avaient apporté à temps les pièces justificatives de ces créances », mentionne le rapport. Enfin, la Dgpu a initié des procédures de dation en paiement avec certains opérateurs privés comme Keyrode group. En effet, suite à la non application du protocole signé le 02 septembre 2020 pour le recouvrement de la dette de 5 100 170 000 Fcfa au titre des loyers et participations, la Dgpu envisage de se faire payer en nature par des villas et apparte‐ ments. L’expert évaluateur du prix des produits proposés par Keyrode est en attente d’être recruté. «Dans tous les cas, les dations en paiement doivent être pratiquées avec rigueur conformément au principe du paiement intégral des dettes et suivies par les autorités de tu‐ telle. De même, la destination de ces produits doit être conforme avec les missions de la Délégation », souligne la Cour. Par ailleurs, aux termes de l’article 24 décret n° 2017‐2096 du 02 novembre 2017 : «L’opérateur privé réalisant un projet à caractère prédominant d’utilité publique et les établissements publics à caractère administra‐ tif, professionnel ou de santé réalisant un équipement public non marchand peuvent être dispensés du versement de la participation financière aux travaux de voiries et réseaux di‐ vers par décret, sur proposition motivée du Délégué général à la promotion des pôles urbains de Diamniadio et du Lac Rose
».
Un manque à gagner de 15, 6 milliards Fcfa par an


Au total soixante‐deux (62) attributions ont été faites à des opérateurs pour accueillir des équipements publics ou privés sur des surfaces cumulées de 4 110 309 m2. Aucun de ces opérateurs ne participe aux tra‐ vaux de Vrd alors qu’ils ne disposent pas de décret de dispense comme indiqué par l’ar‐ ticle 24 susvisé. «Sur la base des tarifs de l’arrêté 693 précité, le manque à gagner est estimé à plus de 15, 6 milliards Fcfa par an. En sa qualité d’entité autonome disposant d’une person‐ nalité juridique différente de celle de l’Etat et des autres organismes publics et privés, la Dgpu ne peut affecter son patrimoine foncier sans deman‐ der, en contrepartie, le paiement des participations aux structures n’y étant pas dispensées par l’autorité compé‐ tente, en l’occurrence le Président de la République. Si la Dgpu fait les diligences appropriées, elle peut collecter annuellement auprès des développeurs immobiliers, lotis‐ seurs‐constructeurs et constructeurs individuels ne bénéficiant pas de dispense les montants respectifs de 8 930 117 900 Fcfa, 6 624 930 000 Fcfa et 117 380 000 Fcfa ; soit globalement 15 672 427 900 Fcfa. La Dgpu disposerait ainsi d’une capacité d’autofinancement suffisante pour faire face aux charges inhérentes à la réalisation des travaux de Vrd », regrette la Cour. Défaut d’approbation des conventions par le Conseil d’orientation Enfin, il résulte de l’article 6 du décret n°2014‐23 précité que le Conseil d’orientation approuve les actes et conventions passées par le Délégué général. Le Président du Conseil et le délégué général n’ont pas veillé au respect de cette prescription car aucun des baux signés avec les opérateurs n’a fait l’objet d’une validation par le Conseil empêchant ainsi l’organe délibérant d’apprécier leur régula‐ rité, leur qualité et leur
pertinence. Le président du Conseil a précisé, en réponse, que « le Conseil n’a jamais été saisi pour approuver une convention ou contrat de bail ».
CMG