Sonko et la démocratie : Opa en préparation sur les libertés

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Le Premier ministre veut une participation responsable des organisations syndicales, comme au bon vieux temps socialiste. Tout en caressant surtout le rêve de voir les libertés restreintes pour le décollage économique du pays ?

C’est un extrait de 50 secondes qui aurait pu faire frémir l’assistance, même si le Premier ministre tente de relativiser sa pensée. Lors de son discours face aux organisations syndicales et au patronat, jeudi au Grand Théâtre, Ousmane Sonko a tenté de faire un exposé géopolitique sur les libertés : «Si vous voyez les pays qui ont décollé ces dernières années, c’est là où les libertés ont été réduites. Je ne vais pas citer de noms, mais allez dans des pays asiatiques, arabes ou ailleurs, les libertés ont été réduites, pour ne pas ne pas dire complétement annulées. Que ce soit les libertés politiques, syndicales, d’association. Ce qui a laissé une marge pour que les autorités puissent dérouler.» Il s’empresse de préciser : «Nous sommes une démocratie, et c’est tant mieux. Il y a des libertés et des droits qui sont consacrés, et c’est tant mieux. Mais, plus il y a de libertés et de droits, plus il doit y avoir de la responsabilité, parce que cela va de pair.»
Le Premier ministre faisait référence à quels pays ? On présume qu’il pense aux «Dragons» asiatiques (Hong-Kong, Corée du Sud, Taïwan et Singapour) dont la croissance, dès les années 1970, leur avait valu le surnom de «Nouveaux pays industrialisés» (Npi). Le décollage économique et technologique de ces Etats n’a jamais été accompagné de restrictions de libertés.
Aujourd’hui, ces pays fonctionnent encore selon le modèle de la démocratie avec ses différents aspects, comme le respect des libertés de presse, d’expression et syndicales. Dans leur sillage, il y a la naissance des «Tigres asiatiques», aussi appelés «Bébés tigres», à savoir la Thaïlande, la Malaisie, l’Indonésie, le Vietnam et les Philippines, appelés aussi «Nouveaux pays exportateurs» (Npe). Ils ont fondé leur modèle économique sur les exportations et l’attraction d’Investissements directs étrangers (Ide) des pays industrialisés. Aujourd’hui, les pays arabes comme l’Arabie saoudite, le Qatar, les Emirats arabes unis ont corrigé leur modèle de développement en s’alignant dans plusieurs secteurs aux standards internationaux, pour booster leur croissance.
Sans doute la Turquie de Recep Tayyip Erdogan est le modèle en question ? Au lendemain de la tentative de coup d’Etat supposé contre son régime en juillet 2016, le Président turc a entrepris une «dégulenisation» de l’administration de son pays, avec une purge dans tous les secteurs. Il y a eu des milliers de fonctionnaires, de magistrats et d’officiers de l’Armée qui ont été radiés de la Fonction publique et envoyés en prison. On n’a pas atteint ce niveau vertigineux, mais il y a aussi de nombreux licenciements depuis l’accession du régime Pastef au pouvoir il y a quasiment 1 an. Quel modèle de développement pour le Premier ministre ?
L’ennui avec la comparaison avec tous les modèles de développement auxquels a peut-être pensé le Premier ministre du Sénégal, c’est que ces régimes, avec leurs défauts, avaient déjà un niveau de développement industriel ou un réseau d’échanges commerciaux assez avancé leur permettant de produire de la valeur. Cela, sans compter une capacité d’épargne que le Sénégal n’a pas encore. S’il souhaite vraiment restreindre les libertés pour tenter un décollage économique, il ne devra pas faire les choses à moitié, il devra certainement imiter Pol Pot, avec les conséquences que cela pourrait entraîner. Mais il n’aura pas les résultats de Lee Kwan-Yew.