Libération revient sur les péripéties de l’affaire dite de la Société de construction et d’aménagement (Secam), une filiale de la Caisse des dépôts et consignations (Cdc).
Selon nos informations, Mame Diakhoumpa, directeur général de la Secam depuis le 29 mai 2024 a directe‐ ment porté plainte contre l’ancien actionnaire unique à savoir l’administrateur de sociétés, Babacar Ndiaye pour de présumées malversations financières portant sur 1,051 milliard et un préjudice de 1,7 milliard repré‐ sentant le solde négatif de la Secam à la Bimao. Lors de son audition à la Dic, Mama Dia‐ khoumpa a révélé que la Cdc avait acquis les 60% des actions de la Secam Sarl, lors de l’assem‐ blée générale extraordinaire en date du 05 septembre 2023 de 6 milliards de Fcfa. Ce rappel fait, il a automatiquement fustigé cette prise de participation qui n’avait pas respecté certains préalables relatifs à la vérification du patrimoine de la société, des états financiers, la visite du site mais aussi le constat des informations déclarées dans le business plan. A ces manquements s’ajoutaient, selon lui, le fait que le Comité d’investissement, regroupant des personnalités in‐ dépendantes et des techniciens de la Cdc, avait émis des réserves non résolues avant la prise de participation.
Selon Diakhoumpa, lorsque la Cdc a commencé à payer le prix de la cession des parts, le minis‐ tre des Finances et du Budget avait adressé une lettre au direc‐ teur général de l’époque Cheikh Issa Sall pour demander la sus‐ pension de la prise de participa‐ tion. Malgré cette injonction, dit‐il, les paiements ont continué jusqu’à hauteur de 4,7 milliards de Fcfa.
Il a signalé à ce niveau que les négociations ont démarré sous le magistère de Mame Boye Diao. D’ailleurs, le premier versement est intervenu lorsque ce dernier était le directeur général, d’après lui.
Mama Diakhampou détaille une opération déroulée en toute opacité
Des mêmes suites, Diakhoumpa a indiqué que la société Secam compte dans son patrimoine deux baux sur deux terrains d’une superficie globale de 5 hectares à Bambilor et Déni Bi‐ rame Ndao ; un immeuble de 500m2 sur 300 m2 bâti en R+3 sis aux Almadies abritant le siège social et deux véhicules particu‐ liers de marques « Kia». Il a ra‐ jouté qu’il y a de cela moins de deux mois, Babacar Ndiaye a amené 11 camions et a prévu d’amener 16 engins de toute catégorie Btp.
Relativement à la revue finan‐ cière de la Secam, l’actuel directeur général a soutenu que Babacar Ndiaye a contracté une dette d’1.073.000.000 milliard Fcfa auprès de la Bimao, constituée de facilités de paiements (découverts).
Diakhoumpa a révélé qu’à cause de cette dette, la société Secam est menacée d’une procédure d’inscription d’hypothèque for‐ cée initiée par la Bimao sur son siège social.
Relativement à la revue comptable, il a déclaré avoir vu dans les opérations bancaires, des retraits de chèques au nom de Babacar Ndiaye et au nom d’autres personnes (Mamadou Mansour Thiam et Diomaye Dione). Pour ces retraits qui n’ont rien à voir avec l’activité de Secam, il a servi deux ordres de recettes portant respectivement sur 167.000.000 Fcfa et 850.000.000 Fcfa au nom de Babacar Ndiaye. A cet effet, ce dernier avait fait une lettre d’engagement de paie‐ ment qu’il n’a pas respectée, jusqu’au dépôt de la plainte. Entendue comme témoin à son tour, Pascaline Mané Dione, analyste financier de la Cdc, a confirmé avoir fait l’analyse financière pour cette prise de participation et la présentation lors des deux réunions. Pour ce faire, elle a précisé s’être basée sur les états financiers certifiés par un cabinet d’expertise comptable et les rapports d’expertise sur la valorisation des terrains et du matériel de la Secam. Toutefois, elle a reconnu n’avoir fait au‐ cune visite de terrain.
D’autres témoins seront ensuite entendus. C’est le cas de Cheikh Déthialaw Seck, secrétaire général de la Cdc, qui a soutenu avoir représenté le directeur général Mame Boye Diao, lors des deux réunions du Comité d’investissement auxquelles il a défendu la prise de participation. D’après lui, comme la Cdc avait déjà une filiale dans la promotion foncière et immobilière, il était pertinent, pour une bonne maitrise des dé‐ lais de réalisation des projets et de la chaine de valeur, de dispo‐ ser d’une filiale en matière d’aménagement.
La directrice des investissements confirme les réserves du Comité
Diao Diallo Diao, directrice des investissements de la Cdc, a affirmé pour sa part que lorsque le
directeur général d’alors Mame Boye Diao lui a confié le dossier, sa direction avait rassemblé les états financiers des années 2020, 2021 et 2022 et les rapports d’expertise des terrains, des vé‐ hicules et d’un bâtiment en construction aux Almadies pour défendre le dossier comme tou‐ jours. Elle a confirmé que le Comité d’Investissement avait émis des réserves. Toutefois, elle a précisé avoir ignoré les circons‐ tances dans lesquelles le dossier a été validé par la Commission de surveillance. Pour le paie‐ ment des fonds, elle a signalé que c’est dans le budget de la Cdc, à la ligne appropriée que les fonds devaient être prélevés. Mais, à sa connaissance, dans les budgets de 2023 et 2024, il n’y avait pas une ligne spécifique pour Secam.
Interrogée, Hady Sagna, directrice des Moyens généraux entre 2023 et 2024, a expliqué que lorsque sa Direction élabore le budget de la Cdc, les sociétés pour lesquelles une prise de participation peut être décidée, ne sont pas spécifiées, dans la ligne intitulée «compte courant associé» ou « prise de participation ». Lorsque la prise de participation est actée, la dépense est enga‐ gée. Par la suite, c’est le direc‐ teur général qui signe un mandat pour demander au caissier général de procéder au paie‐ ment. Des mêmes suites, ce dernier fait un ordre de paie‐ ment en émettant un chèque où un virement bancaire. Elle a indiqué que c’est ce procédé qui a été suivi pour cette prise de participation de la Cdc à la Secam. Elle a affirmé qu’à ce jour, un montant de 4,7 milliards a été payé à partir du budget de la Cdc, dans la ligne intitulée «compte courant associé» ou celle intitulée «prise de participa‐ tion».
Auditionné, Aba Diatta, caissier général de la Cdc, a confirmé que cette dépense a été engagée dans la ligne «prise de participation» qui était suffisamment dotée de crédit, sinon l’émission du mandat par l’ordonnateur (le Dg) ne serait pas possible dans le système d’informations à travers lequel le budget est exé‐Mise en page 1
cuté. Il a précisé qu’à chaque paiement, un mandant avec des pièces justificatives étaient pré‐ sentés.
Face aux enquêteurs, l’expert‐ immobilier, a reconnu s’être basé sur les images que Babacar Ndiaye lui avait transmis, via WhatsApp, pour établir le rap‐ port d’expertise et d’évaluation de la valeur vénale des moyens roulants.
Le comptable reconnaît n’avoir pas de déplacement sur le ter‐ rain pour constater la présence physique des biens
Pour sa part, Aboubacar Sagna, comptable, a reconnu n’avoir pas fait le déplacement sur le terrain pour constater la pré‐ sence physique des biens. Il s’est seulement contenté des élé‐ ments que Babacar Ndiaye lui fournissait pour établir les états financiers.
Entendus, Mamadou Mansour Thiam et Diomaye Dione ont re‐ connu avoir encaissé, à la Bimao, sur instruction du nommé de Ba‐ bacar Ndiaye les chèques en cause. Ils ont affirmé lui avoir versé la totalité de l’argent.
En pleine enquête, l’actuel direc‐ teur général de la Secam s’est présenté aux enquêteurs pour révéler que Babacar Ndiaye avait viré dans les comptes de la société la somme de 1.073.020.289 Fcfa. Il a précisé toutefois que ces montants constituent le paiement du solde négatif de la Secam à la Bimao. Toutefois, il a précisé que la banque n’avait toujours pas procédé à la levée de I’hypo‐ théque forcée. Aussi a‐t‐il pré‐ cisé que Babacar Ndiaye reste devoir à la Secam la somme de 1.051.651.000 Fcfa.
Babacar Ndiaye paie, en pleine enquête le solde négatif de 1,073 milliard
Devant les policiers, Babacar Ndiaye a soutenu que c’est lors de la visite à Bambilor, de son terrain d’une contenance super‐ ficielle de 5 ha qu’une connais‐ sance l’a informé que la Cdc disposait de 90 ha dans le site qu’elle voulait aménager. Ainsi, il s’est rapproché de la direction générale, pour soumissionner. A l’issue des travaux, il a déclaré que la Cdc lui a proposé une prise de participation dans sa so‐ ciété Secam Sarl. C’est ainsi, qu’il a monté un dossier composé des états financiers et des rap‐ ports qu’il a présentés à la direc‐ tion générale.
A la date du 05 septembre 2023, la prise de participation a été si‐ gnée devant notaire, pour 60% des parts sociales de la Secam, contre le versement de 6.000.000.000 Fcfa, suivant des délais de paiement devant ter‐ miner le 31 janvier 2024. Globale‐ ment, il a confirmé avoir encaissé la somme de 4.700.000.000) Fcfa, suivants différents versements.
Le matériel de transport, évalué dans les états financiers à 1.020.751.700 Fcfa, était déjà
vendu avant la prise de participation de la Cdc ; Babacar Ndiaye évoque une «promesse de vente »
Selon lui, malgré la signature de la prise de participation devant notaire, cette opération ne se‐ rait pas effective. Elle l’a quali‐ fiée de promesse de vente puisque la Cdc n’a pas toujours payé l’intégralité des fonds. Il a souligné que la modification de la forme juridique Secam Sarl à Secam Sa, est intervenue en fé‐ vrier 2024.
C’est pourquoi, il a déclaré qu’il avait la faculté de disposer libre‐ ment du crédit de la Secam qui est toujours son patrimoine. A cet effet, il a reconnu avoir effectué dans le compte de Secam ouvert à la Bimao, de 1.051.000.000 Fcfa, après la prise de participation. Il a précisé que Mamadou Mansour Thiam et Diomaye Dione sont ses employés, lesquels lui remettaient les fonds après chaque opéra‐ tion. Il a confirmé également avoir déposé dans le compte de la société dénommée « Ndiaye et Ndiaye Diamond» des chèques barrés tirés dans le compte de Secam. Babacar Ndiaye a confirmé être le gérant de la société «Ndiaye et Ndiaye Diamond», créée en 2018 et qui s’active dans le commerce de fer à béton et dans l’immobilier. D’après lui, il ne trouve rien d’anormal sur l’utilisation fonds de la Secam pour faire fonctionner les activités de la société «Ndiaye et Ndiaye Diamond». Interpellé sur les états financiers déposés à la Cdc lors de la prise de participation, il a reconnu que le matériel de transport, évalué dans les états financiers, à la rubrique «immobilisation brute», à 1.020.751.700 Fcfa, était déjà re‐ vendu avant la prise de participa‐ tion. Pour essayer de se dédouaner, il a expliqué que c’est son comptable Aboubacar Sagna qui aurait certainement oublié de l’enlever sur le docu‐ ment.
Convoqué, le comptable ayant visé les états financiers de la Secam avant l’opération se déclare malade
Toutefois, il a justifié avoir livré à la Cdc, onze camions, un porte char et seize engins, en date du 08 juillet 2024. Contre sa volonté, il a souligné que la Cdc a nommé tout récemment un nouveau directeur général en lui attribuant le poste de directeur général adjoint de la Secam. Pour cette affaire, il a renseigné que son avocat a intenté une procédure judiciaire au niveau du tribunal de commerce. Fait assez cocasse : le comptable agréé, ayant visé les états finan‐ ciers, n’a pas été entendu. Joint au téléphone par la Dic, il a déclaré…être malade et se trouve à Kaolack.
L’enquête bouclée, la balle est dans le camp du parquet financier à moins d’un accord entre les parties.