SUBVENTIONS DE L’EX-ANCMU AUX ORGANISATIONS MUTUALISATIONS : La Cour des comptes débusque unécart à milliards et demande un«audit financier approfondi»

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Au moment de l’audit, les ressources budgétaires de l’Agence de la Cmu s’élevaient à près de 20 mil‐ liards de Fcfa par an et repré‐ sentent plus de 10% du budget de l’Etat alloué au secteur de la santé, traduisant un effort im‐ portant du gouvernement pour une mise en œuvre effec‐ tive de la Cmu. En effet, pour la même mission, la Cellule d’ap‐ pui à la Cmu (Cacmu) avait bé‐ néficié d’un budget de fonctionnement de 87 551 000 Fcfa en 2013 et 2014. Les mon‐ tants dédiés aux initiatives de gratuité et aux subventions re‐ présentent plus de 85% des res‐ sources ; les subventions seules représentent plus de 35% des ressources.

La Cour a «fouillé» aux subven‐ tions versées aux organisations mutualistes en excluant les subventions aux autres institu‐ tions (accordées en particulier au ministère du Travail, du Dia‐ logue social, des Organisations professionnelles et des Rela‐ tions avec les institutions) et les autres types de subvention (bé‐ néficiaires divers autres que les Mutuelles de santé (Ms). Ainsi, il a été vérifié si l’Agence de la Cmu octroie les subventions de façon transparente et efficiente et contrôle les prestations des mutuelles de santé en vue de garantir leur accès équitable et leur effectivité pour tous les bénéficiaires.
«Le constat est que l’octroi des subventions aux mutuelles n’est ni transparent, ni équitable» «L’examen de la gestion des subventions durant la période sous revue laisse apparaitre plusieurs dysfonctionnements de nature à entraver leur effica‐ cité et leur efficience.

Le constat est que l’octroi des sub‐ ventions aux mutuelles n’est ni transparent, ni équitable en raison du manque de critères clai‐ rement établis et communiqués aux acteurs et que le processus hasardeux de gestion des subventions à titre de cotisations a pour consé‐ quence une mise à disposition tardive entravant la viabilité des Ms ainsi que les prestations de santé au profit des bénéfi‐ ciaires. De surcroît, au niveau des Ms, il est constaté une utilisation abusive des subventions pour le fonctionnement et des irrégularités dans la gestion qui rendent souvent ces prestapeu de contrôle exercé par l’Agence pour s’assurer de la bonne utilisation de ces montants », indique la Cour des comptes.

Dans le Plan stratégique de dé‐ veloppement de la Couverture maladie universelle (Pds‐Cmu), il est indiqué que «l’Etat im‐ pulse l’extension de la couverture du risque maladie dans le secteur informel et rural à travers des interventions dans le financement de la couverture maladie universelle de base à travers la Capsu : subvention partielle des cotisations pour les rendre abordables à la majorité de la population évoluant
dans le secteur informel et le monde rural ; subvention totale de la prise en charge des indi‐ gents et des groupes vulnéra‐ bles pour garantir l’inclusion des populations les plus démunies ». A ce titre et en l’absence de la Capsu, l’Acmu verse aux Ms, pour chaque bénéficiaire, les montants de cotisation rete‐ nue qui sont répartis entre les Unions départementales des mutuelles de santé communautaires (Udms et les MS).

«Une tendance à détourner les subventions de leur destination d’origine»
L’examen de la gestion des subventions durant la période sous revue fait apparaitre plusieurs irrégularités qui sont ré‐ vélatrices d’une tendance à détourner les subventions de leur destination d’origine dans un contexte où les ressources financières sont jugées insuffisantes. La Cour a relevé princi‐ palement l’attribution irrégulière de subventions massives à l’Union nationale des mutuelles de santé communautaires (Unamusc) dans le cadredu Projet d’appui à la profes‐ sionnalisation des mutuelles de santé communautaires (Papmut) ainsi qu’une attribution discriminatoire et inéquitable des subventions.

Qui plus, la Cour estime que le Papmut est «un projet irrégulier, budgétivore et inefficace ».
En effet, l’examen de ce projet, réalisé en partenariat avec l’Union nationale des mutuelles
de santé communautaires (Unamusc), révèle plusieurs irrégularités au plan réglemen‐ taire et des incohérences au plan de l’exécution technique qui démontrent le caractère budgétivore et inefficace du projet. En rappel, à compter du 1er avril 2018, l’Acmu a commencé à financer l’Unamusc pour la mise en œuvre du Papmut. Cependant, la convention de partenariat entre l’Agence et l’Unamusc a été signée le 11 avril 2018 et le document de projet décrivant les objectifs et les modalités d’intervention n’a été établi qu’en mars 2019 soit après un an d’exécution.

Donc, aucune évaluation préalable n’a été réalisée avant le démarrage pour estimer la valeur ajoutée attendue du projet. Le projet devait être exécuté en deux phases allant du 1er avril 2018 au 31 mars 2019 et du 1er avril 2019 au 31 mars 2020 mais plusieurs avenants ont été signés pour étendre la durée si bien que le projet est toujours en cours. Le Dg de l’Acmu de l’époque évoque la pandémie Covid 19 qui a empêché une évaluation et un arrêt du projet compte tenu de la demande des autorités de préserver les emplois durant cette période. La Cour rappelle que les objec‐ tifs déclarés du projet et le dis‐ positif mis en place ne font pas de l’Agence un employeur soumis aux dispositions exceptionnelles prises par les autorités pour la préservation des emplois au sens du Code du travail.

S’agissant du coût financier, l’Acmu avait versé à la fin de l’année 2019, un montant de 748 767 500 Fcfa à l’Unamusc et continuait les versements avec la poursuite du projet en 2021 dans un contexte de défi‐ cit de ressources pour la prise en charge des subventions à titre de cotisations. Fin 2020, les dépenses s’élevaient à 63 309 740 Fcfa mensuels en salaires (61 454 740 Fcfa) et indemnités(1 855 000 Fcfa) soit 759 716 880 Fcfa. L’objectif général dé‐ claré du projet est de «renfor‐ cer intensivement la contribution des mutuelles de santé communautaires dans la mise en place effective et rapide du programme de Cmu au Sénégal». Malgré trois domaines d’action identifiés (communication, gestion et partenariat), le projet n’a consisté en réalité qu’à recruter des Agents de promotion des mutuelles (Apm) mis à la disposition des organisations mutua‐ listes et à prendre en charge des «campagnes de communication non justifiées », selon la Cour.