Sénégal : Menaces sur la République et germes de la division

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Une école en crise. Des loyers hors de prix. Un taux de chômage en perpétuel hausse. Un
système de santé mal-en-point. Une eau chère et trouble, souvent inacceptable à la
consommation pour certains de nos compatriotes. Des produits halieutiques introuvables pour
nos pêcheurs locaux, malgré des côtes poissonneuses. La viande inaccessible à la majorité de
la population. Un riz très cher qui ne bénéficie pas aux paysans de la vallée du fleuve qui
suent sang et eau pour une hypothétique autosuffisance. Une huile hors de prix pour bon
nombre de nos compatriotes, malgré la bravoure des paysans du bassin arachidier qui suent
sang et eau pour nous en fournir. Et que sais-je encore.


Face à tous ces défis sous le poids desquels s’écroule le goorgorlu sénégalais, le Président de
la République, M. Bassirou Diomaye Diakhar Faye, n’a pas trouvé autre urgence que la
création au sein de la Présidence de la République, d’une « Direction des Affaires religieuses
et de l’Insertion des diplômés de l’Enseignement Arabe ».
Si l’annonce n’était pas faite dans le très solennel Communiqué du Conseil des ministres du 17
avril 2024, j’aurais dit que c’est une blague. Mais hélas ! C’est vrai. Notre Président a érigé au
rang de première priorité de son Magistère, la question religieuse. A ce que je sache, il n’y a
pas de problème religieux au Sénégal. Donc, quelle est l’urgence vitale qui puisse expliquer,
dès son 2 ème  Conseil des ministres, que le chef de l’Etat prenne une telle décision ? En clair,
cela veut dire que c’est un sujet primordial pour lui et qu’il va mettre les moyens qu’il faut
pour l’atteindre.
A propos de cette Direction, sa création n’est nullement opportune. A l’exception de la
parenthèse Mamadou Bamba Ndiaye, la question cultuelle relève depuis l’indépendance, du
Ministère de l’intérieur qui a toujours bien fait son travail. Que se cache-t-il alors derrière
cette création à laquelle il a rajouté « l’insertion des diplômés de l’enseignement arabe » ? Ce
premier acte n’est-il pas un signal du projet de remodelage de la société sénégalaise, qu’il
veut calquer sur le modèle du monde arabe avec la prééminence du religieux ? Et si au fond,
le PROJET de Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko était un projet de nous conduire
insidieusement vers une société des qamis et des abayas ?
Un PROJET dangereux
En quoi les diplômés en arabe, quels que soient leurs domaines de compétences, ont-ils de
plus méritant que les ingénieurs, sages-femmes, infirmiers, informaticiens, architectes,
journalistes, des diplômés en russe, chinois, allemand, italien… qui chôment au pays ? Qu’on
m’explique en quoi l’insertion d’un diplômé en arabe est plus urgente que le recrutement des
sages-femmes et des infirmiers qui vont sauver des vies ? Qu’on m’explique en quoi
l’insertion d’un diplômé en arabe est plus urgente que le recrutement des enseignants pour
encadrer nos enfants qui sont appelés à servir le pays avec la langue officielle ? Qu’on
m’expliquer qu’est-ce qu’un diplômé en arabe a de plus méritant que les diplômés des
universités et instituts de formation de Dakar, Saint-Louis, Thiès, Ziguinchor, Kaolack,
Tambacounda… Je veux juste être convaincu.
Aucune justification sérieuse ne peut être fournie, car le Sénégal n’est pas un pays arabe et
que l’arabe n’est pas la langue officielle du pays. Aussi, c’est une infime partie de la
population qui a fait des études en arabe. La vérité, c’est que les nouvelles autorités du
Sénégal ont une aversion pour le modèle de notre République qui est laïque. Elles n’ont

jamais fait mystère de cela. D’ailleurs, cela s’est révélé dans les premières nominations faites
par le Président Diomaye. En effet, Mary Teuw Niane, Directeur de Cabinet du président de
la République, nommé avec le Premier ministre, le soir de la prestation de serment du chef de
l’Etat, est l’un des principaux pourfendeurs de la laïcité. Soutenant que la laïcité est une
absurdité inscrite dans notre constitution, c’est un théoricien de l’enseignement religieux dans
l’école publique.
C’est sans doute cette position sur l’enseignement religieux et la suppression de la laïcité dans
la constitution qui a pesé dans sa nomination en tant que Directeur de Cabinet. En effet, avec
son aura intellectuelle, le Président de la République s’est dit qu’il est le plus apte à nous faire
avaler la pilule. D’où la création de cette fameuse Direction à la présidence dont Faye et son
équipe veulent nous faire croire que toutes les religions sont concernées. Mais personne n’est
dupe. Qu’ils assument leur choix.
 

François MENDY
Journaliste-Politiste