Direction le Sénégal pour ce troisième épisode de notre série sur la présidentielle américaine vue d’ailleurs. L’un de ces « shitholes countries » (« pays de merde ») dont avait parlé Donald Trump lorsqu’il était à la Maison Blanche. En 2018, la phrase avait beaucoup choqué parmi les Sénégalais. Si le scrutin passe quasiment sous les radars cette année en raison d’élections législatives très prochainement. Reportage sur la façon dont le discours du candidat républicain a pu un temps trouver une résonance.
« On voyait même, au niveau du Sénégal, certains qui ont sorti des slogans »Sénégal First », car Donald Trump disait »America first ». » Lors de la campagne présidentielle de 2016, le Front pour une révolution anti-impérialiste populaire et panafricaine (Frapp) accueillait avec intérêt la vision promue par Donald Trump.
Souleymane Gueye, membre du secrétariat exécutif national de l’organisation, se souvient du premier point de vue de son organisation sur l’arrivée de Donald Trump : « À cet instant-là, c’est un discours un peu nouveau de ce que proposent les États-Unis qui, normalement, appellent à un système-monde multilatéraliste, mais dominé par les États-Unis. Donc, Donald Trump qui vient pour casser ce système multilatéraliste, nous, on l’avait vu comme une première étape pour casser ce système-monde. »
Un écho aux courants nationalistes locaux
Mais les propos deviennent rapidement nationalistes, xénophobes : inacceptable pour le Frapp, qui promeut une solidarité internationale. Le mouvement observe néanmoins la rhétorique apparaître dans son pays. « Ici, au Sénégal, on a eu il y a deux ans un petit courant nationaliste qui parlait d’immigration des Guinéens. On leur a dit que, justement, le discours qu’ils plébiscitaient et qui proliférait est celui de Donald Trump, et il s’appuie sur les mêmes bases », se rappelle Souleymane Gueye.
Le professeur Ousmane Sène, spécialiste des États-Unis et directeur du West African Research Center, a vu la rhétorique nationaliste de Donald Trump prospérer partout. Au Sénégal, c’est davantage le souverainisme qui est porté par les mouvements citoyens ou politiques.
« S’enraciner d’abord avant de s’ouvrir »
Mais celui-ci doit être pensé dans la mondialisation, prévient l’universitaire : « Le souverainisme ne peut pas se contenter de s’arrêter au discours. C’est-à-dire que ce sont vos propres ressources qui seront le moteur principal de votre développement. Mais dire qu’on le fera sans pouvoir avoir cette coopération internationale qui puisse nous permettre d’inciter les investisseurs à venir et avoir une politique avec les États… Je ne vois pas un seul pays qui puisse le faire dans le monde, et encore moins en Afrique. »
Pape Abdoulaye Touré, coordinateur du mouvement citoyen Sénégal Notre Priorité et soutien du Pastef, n’en demande pas plus : « Nous, notre philosophie et notre idéologie, c’est de s’enraciner d’abord avant de s’ouvrir. Mais ça ne veut pas dire se fermer pour exclure tout le monde. Par exemple, les Africains ne peuvent pas à eux seuls construire l’Afrique. Donc, ça sera un partenariat gagnant-gagnant, c’est tout ce que nous demandons. »
Pour lui, les premières mesures prises par le nouvel exécutif vont dans la bonne voie. Au Sénégal comme aux États-Unis, il estime que le plus important est de répondre aux aspirations du peuple.