Depuis le début de l’année, l’Organisation internationale des migrations (OIM) a organisé le « retour volontaire » de plus de 4 100 migrants de‐ puis la Tunisie vers leur pays d’origine, contre un peu plus de 2 500 pour l’ensemble de l’année 2023. Les violences de la part de la population et des autorités, les destructions quotidiennes de campements, les interceptions en mer et les expulsions de Subsahariens dans le désert expliquent cette forte hausse des retours. Mardi 23 juillet, 162 migrants burkinabé sont montés dans un avion de‐ puis la Tunisie vers leur pays d’origine « en toute sécurité et dans la dignité », selon les mots de l’Organisation internationale des migrations (OIM). Ces exilés ont bénéficié du pro‐ gramme de retour volontaire de l’ONU. « Aujourd’hui marque un nou‐ veau départ pour de nombreux migrants bloqués en Tunisie qui vont retrouver leurs proches », s’est félici‐ tée sur Facebook l’agence onusienne en Tunisie. À l’instar de ces Burkinabés, plus de 4 000 migrants vivant en Tunisie sont rentrés dans leur pays via l’OIM depuis janvier. La majorité d’entre eux sont des hommes seuls, originaires de Gambie, du Burkina Faso et de Guinée, précise l’agence à InfoMigrants. Un chiffre en nette augmentation : sur l’ensemble de l’année 2023, 2 557 personnes ont profité du « retour volontaire » depuis la Tunisie, ce qui représentait déjà une hausse de 45 % par rapport à 2022 où 1 614 exilés avaient bénéficié de ce programme.
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Cette augmentation s’explique par la situation délétère en Tunisie pour les Subsahariens. En effet, depuis le discours raciste du président Kaïs Saïed en février 2023 accusant les Noirs d’être la source de violences et de crimes, les exilés sont constamment harcelés par la population et les autorités. L’été dernier, des milliers
d’entre eux ont été raflés dans les rues et les appartements de Sfax, puis envoyés dans le désert à la frontière libyenne ou algérienne. Aban‐ donnés au milieu de nulle part, sans eau ni nourriture sous une chaleur écrasante, une centaine d’entre eux sont morts de soif, d’après les associations locales d’aide aux migrants.
La photo de Fati et de sa fille de cinq ans, gisant sur le sable, avait fait le tour des réseaux sociaux. Ces expulsions collectives, pourtant illégales au regard du droit international, ont perduré. En janvier, InfoMigrants a reçu les témoignages de plusieurs Subsahariens arrêtés à Sfax et envoyés dans la montagne, près de la frontière algérienne. «Nous étions com‐ plètement perdus. Nous avons rencontré un berger, qui nous a aidés. Il nous a indiqué la bonne route à suivre», expliquait Fatma, une Sierra‐Léonaise. Son groupe a mar‐ ché pendant cinq jours pour rejoindre la première ville algérienne.
Pendant ce trajet, il a «un peu neigé» mais surtout il a plu. «Ce fut très dur. Mais personne de notre groupe n’est mort. C’est déjà ça…. Il n’y a eu que des malades.» En mai, des migrants faisaient à nouveau état à InfoMi‐ grants d’une vague d’ »arrestations générales».
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Les exilés racontaient être traqués partout : dans les cafés, dans les rues, dans les gares, dans les taxis, dans les commerces ou dans les apparte‐ ments. «Ils vont dans les maisons, cassent les portes, confisquent les passeports, volent tout ce qu’ils trou‐ vent ‐ téléphones, effets personnels, argent… ‐ frappent les gens avec des matraques et les embarquent dans des bus», relatait Salif, un Guinéen vi‐ vant à Sfax. Si certains exilés sont li‐ vrés à eux‐mêmes à la frontière algérienne, d’autres sont directe‐ ment transmis aux forces libyennes, révélait en décembre InfoMigrants. L’échange, entre les policiers tuni‐ siens et les milices libyennes, se fait discrètement en plein désert. «Le véhicule s’est arrêté au niveau d’une montagne de sable. De l’autre côté, c’est la Libye. Les Tunisiens sont montés sur la montagne pour annoncer leur présence. Cinq minutes après, on a entendu des klaxons venus d’en face. Les policiers ont alors braqué leur kalachnikov sur nous et nous ont dit : ‘Haya, haya’ [‘allez‐y’, en français, ndlr] en montrant la Libye. Tout le monde avait peur», témoignait un autre Guinéen. Les migrants sont ensuite envoyés dans les prisons li‐ byennes, où ils risquent d’y subir des
violences, des viols, de l’extorsion, des privations de nourriture… Pour en sortir, les exilés doivent payer une rançon de plusieurs centaines d’eu‐