Le moins qu’on puisse dire est que l’enfantement d’un nouveau Sénégal souverain se fait dans la douleur et des secousses singulières bien qu’artifi‐ cielles. Pour neutraliser les provocations des élites dé‐ chues, les leaders du camp patriotique pourraient éle‐ ver le niveau du débat, dans le respect strict des droits et libertés, en fixant le cap et en élaborant une feuille de route très claire, qui prenne en charge de manière holistique, les problématiques liées à la transformation systémique.
Dans cette phase de transition cruciale, de‐ vant acter l’avènement d’une nouvelle ère de sou‐ veraineté pleine et entière, de gestion vertueuse de l’Etat, de redistribution équilibrée des ressources nationales et de justice sociale se dressent des obstacles multiples. Le premier a trait à la nature même du cours que les tenants de la transformation systémique veulent imprimer à l’évolution politique de notre Nation, empêtrée jusque‐là dans le bourbier néocolonial.
De fait, la tâche d’anéantissement de la domination impérialiste qui sévit encore dans nos pays, censée faire advenir une nouvelle époque de libération nationale et sociale renvoie au clair‐obscur de Gramsci, à un interrègne du‐ rant lequel surviennent les phénomènes morbides les plus variés. Devant la détermination du camp patriotique et des pa‐ nafricanistes de la sous‐ré‐ gion à clore le sinistre chapitre de la Françafrique, (dont un des plus fidèles ser‐ viteurs, Mr Robert Bourgi, vient de dévoiler les mécanismes les plus pervers), on observe une résistance farouche du camp de la conti‐ nuité néocoloniale.
On y retrouve, au premier plan, la coalition TAKKU WALLU, animée, pour l’es‐ sentiel, par des héritiers de WADE, ayant montré, le 3 fé‐ vrier 2024, leurs vrais visages de putschistes constitution‐ nels, qui, projetaient de renvoyer aux calendes grecques, la présidentielle initialement prévue le 25 février dernier. Ses liens étroits avec l’ancienne métropole sautent aux yeux, car sa tête de liste, l’ancien président Macky Sall, qui a dirigé notre pays d’une main de fer, pendant douze années, est un collaborateur fi‐ dèle du président Macron, son envoyé spécial et président du comité de suivi de son pacte de Paris pour la planète et les peuples.
La deuxième personnalité de cette association de « malfaiteurs politiques » est le fils biologique du président Wade, émissaire de Sarkozy, en juin 2011, à Benghazi, où il s’était rendu pour demander à Kadhafi d’abandonner la résistance à l’Occident et de partir. Quant à l’autre coalition JAMM AK NJARIÑ, elle ne rassure pas davantage, car son président, le « fonction‐ naire milliardaire » Amadou Bâ, candidat malheureux de Benno Bokk Yakaar à la dernière présidentielle, était allé en France, proposer ses services comme cheval de substitution à Macky Sall, (rattrapé par la limitation des mandats), pour perpétuer le système françafricain.
Elle compte, d’ailleurs, en son sein, plusieurs anciens barons du précédent régime, dont d’anciens combattants de la gauche, qui croient pouvoir se créer une nouvelle virginité politique et effacer leurs « délits politiques » antérieurs, en changeant de parti ou coalition, sans faire le plus petit effort d’autocritique. C’est d’ailleurs cette absence de remise en cause, des anciens tenants du pouvoir, de leurs démarches antérieures, qui explique leur manière de s’opposer, leur but ultime étant de restaurer, le plus vite possible, l’ancien ordre rejeté massivement par peuple sénégalais. S’il faut saluer la distanciation des membres des coalitions SAMM SA KADDU et SENE‐ GAL KESE par rapport aux deux premières, qui tenaient les rênes du pouvoir et qui ont été électoralement battues, le 24 mars dernier, on ne peut qu’être perplexes devant leur excès d’agressivité par rapport au nouveau régime et leur réticence farouche à soutenir et/ou accompagner les ruptures annoncées par PASTEF.
Au‐delà des vicissitudes et péripéties plus ou moins dérisoires de la vie politique, il faudra bien que les acteurs politiques de tous bords, y compris les actuels gouvernants, nous édifient sur leur positionnement par rapport aux enjeux décisifs de refondation institutionnelle, de respect des droits et libertés, de souveraineté nationale, de gestion vertueuse et de justice sociale, autour des‐ quels de larges conver‐ gences peuvent être trouvées. S’agit‐il de démanteler le système (néocolonial), en vigueur dans notre pays, depuis son accession à l’indépendance formelle et dont la faillite est devenue manifeste avec le régime quasi‐auto‐cratique de Benno Bokk Ya‐ kaar ?
Ou alors s’agit‐il de réanimer ce système désastreux, en se soumettant au diktat des puissances occi‐ dentales en général et de la Françafrique, en particulier, ce qui équivaut à la pour‐ suite de la domination économique et politique sur nos pays ? Voilà les questions de fond auxquelles il faut apporter des réponses claires, au lieu de continuer à louvoyer et de s’adonner à une guérilla politicienne ininterrompue contre le pouvoir en place pour l’amener à abdiquer sur ses orientations progressistes. Notre souhait le plus ardent est une option résolue vers l’enterrement du système néocolonial honni, par la confirmation du positionnement patriotique lors des prochaines législatives du 17 novembre 2024.
Nioxor Tine
leelamine@nioxor.com