Mon ami Thierno Diop a posé une question sur sa page Facebook : «Plus sérieusement, en neuf mois y a quoi de neuf ?» Chacun a sa réponse, mais la mienne est que la statue de Lat Dior, que le président de la République est allé inaugurer à Thiès, est la première réalisation du «Porozet» en 9 mois. Ça peut faire sourire, mais c’est la triste réalité, et le pays est économiquement morose.
Pour preuve, le Sénégal est rentré bredouille de sa quête de 25 milliards de francs Cfa, pour une échéance de 39 jours, sur le marché financier de l’Uemoa (Cf : Une du Quotidien du 5 décembre). «La somme, soumise le vendredi 29 novembre, sous forme de Bons assimilés du Trésor (Bat), avait pour date de valeur le lundi 2 décembre. Or, à cette date, le Sénégal a reçu…
zéro soumission ; personne n’a voulu de l’émission de la seconde économie de l’Uemoa», écrivait le journal. Suffisant pour que Cheikh Diba, ministre des Finances et du budget, monte sur ses grands chevaux pour démentir «formellement cette information infondée et dénoncer vigoureusement une tentative malveillante visant à porter atteinte à l’image du pays». Il ajoute aussitôt après que «l’émission de titres publics sur le marché régional de l’Uemoa répond à des règles et procédures strictes et transparentes que le Sénégal respecte scrupuleusement dans la mise en œuvre de sa stratégie d’endettement». Il reconnaît toutefois un peu plus loin : «Il est vrai que dans le calendrier indicatif communiqué en février 2024, une émission était prévue pour le 29 novembre 2024. Cependant, en raison de la mobilisation réussie, le 15 novembre 2024, d’un montant de près de 92 milliards F Cfa couvrant les prévisions initiales de 25 milliards F Cfa, cette émission n’a pas été finalement confirmée. Cette mobilisation significative, combinée à d’autres financements externes, a permis de renforcer la situation de trésorerie et d’annuler l’émission initialement envisagée pour le 29 novembre 2024.» Diba a cherché à démentir une information et l’a finalement confirmée ! L’info est simple pourtant : une émission est faite et a été finalement retirée. Et au moment de son retrait, il y avait zéro souscription ! Voilà les faits. Par ailleurs, le ministère nous informe qu’il y a eu 92 milliards dans une émission précédente. Sauf que l’information n’est pas complète. Ce que le ministère ne dit pas aux Sénégalais, c’est qu’il cherchait 130 milliards et n’en a obtenu que 92 ! D’habitude, le Sénégal obtenait souvent plus que ce qu’il cherchait. D’ailleurs, transparence pour transparence, nous attendons le «Rapport d’exécution budgétaire» du dernier trimestre et les services de Cheikh Diba tardent à se bouger.
La morosité économique selon la Dpee
Après Cheikh Diba, c’est au tour de Abdourahmane Sarr, ministre de l’Economie, du plan et de la coopération, de nous décrire la morosité ambiante de l’économie sénégalaise à travers deux documents produits par ses services. En effet, le «Point mensuel de conjoncture» d’octobre 2024 et la «Note de conjoncture» (troisième trimestre) montrent une cartographie pas très reluisante. Des documents produits par la Direction de la prévision et des études économiques (Dpee), logée à la Direction générale de la planification et des politiques économiques (Dgppe).
«Au troisième trimestre de 2024, le climat des affaires s’est dégradé, en variation trimestrielle. L’indicateur synthétique a diminué de 4, 6 points et est resté au-dessous de sa moyenne de long terme. Cette situation reflète les opinions défavorables des entrepreneurs de «Bâtiments des travaux publics», des prestataires de services et des commerçants. Sur un an, l’indicateur du climat des affaires a diminué de 3, 0 points au troisième trimestre de 2024», dit la note. Et l’on comprend pourquoi beaucoup d’hommes d’affaires préfèrent d’autres pays de la zone Uemoa, s’ils n’ont pas tout simplement mis la clé sous le paillasson.
Dans l’industrie par exemple, les contraintes à l’activité relevées par les industriels sont la demande (36%), la concurrence (33%), le recouvrement difficile des créances (28%), l’approvisionnement difficile en matières premières (19%) et la fiscalité (8%). C’est dire que les nouvelles autorités sont responsables à 72% de la situation de morosité dans le secteur industriel.
«Deuk bi dafa Diomy»
Même situation dans le secteur du Btp. Selon le «Point mensuel», dans le sous-secteur des bâtiments et travaux publics, «les obstacles soulevés par la majorité des entrepreneurs sont le recouvrement difficile des créances (83%), la fiscalité (67%), l’insuffisance de la demande (50%), l’accès difficile au foncier (33%), la concurrence supposée déloyale (33%), le coût des intrants (33%) et la vétusté des équipements (17%)». On ne peut tout de même pas bloquer les constructions, ne pas payer les fournisseurs (raison du courroux des étudiants de l’Université de Ziguinchor) et espérer que ça marche ! Ce pouvoir n’a pas compris que «quand le bâtiment va, tout va». Car le bâtiment est l’illustration parfaite d’un pays qui avance. En effet, la construction est le principal moteur de la croissance, capable d’entraîner et de faire prospérer le reste de l’économie. Mais quand on a une démarche de répression fiscale, de dénigrement de son secteur privé et d’emprisonnement de ses champions nationaux, il ne faut pas espérer une embellie économique. Le «Point mensuel» conclut à un «pessimisme des entrepreneurs par rapport à l’évolution des commandes publiques et privées reçues».
Les services de Sarr disent également que l’argent ne circule plus. En plus simple : «Deuk bi dafa Diomy.» D’après la «Note de conjoncture», «l’évolution de la situation monétaire, basée sur les estimations à fin septembre 2024, a fait ressortir une contraction de la masse monétaire de 157, 2 milliards de francs Cfa». Le document ajoute : «La masse monétaire a reculé de 157, 2 milliards de francs Cfa entre fin juin et fin septembre 2024, pour s’établir à 9584, 5 milliards de francs Cfa. Cette dégradation de la liquidité globale est notable à travers la circulation fiduciaire (billets et pièces hors banques) qui a diminué de 201, 4 milliards de francs Cfa pour atteindre 2384, 6 milliards de francs Cfa.»
Ce qui a naturellement une incidence sur les prix à la consommation qui «ont augmenté d’1, 0%, en variation trimestrielle». La viande de bœuf (+1, 6%), les poissons frais (+15, 3%) et les «légumes frais en fruits ou racine» (+18, 3%) ont pris l’ascenseur. De même que le riz local (1, 8%). «Sur un an, les brisures parfumée ordinaire, non parfumée et locale ont affiché des hausses de prix respectives de 5, 3%, 19, 1% et 10, 1% en moyenne sur le troisième trimestre 2024. Sur les neuf premiers mois de l’année 2024, des hausses respectives des prix du non parfumé (+18, 8%), du parfumé ordinaire (+4, 6%) et de la brisure locale (+9, 9%) sont notées». Pourtant, le gouvernement se vantait d’avoir baissé les prix des denrées.
La masse monétaire en circulation a baissé de 117 milliards en un mois
Les Sénégalais sont dans le dur. En témoigne la «masse monétaire (qui) a diminué de 117 milliards» entre août et septembre 2024, selon le «Point mensuel de la conjoncture». La masse monétaire a atteint 9584, 5 milliards à fin septembre 2024. «Cette contraction est principalement imputable à la circulation fiduciaire (billets et pièces hors banques) et aux dépôts transférables, qui ont respectivement reculé de 63, 8 milliards et 60, 5 milliards, pour s’établir à 2384, 6 milliards et 4657, 5 milliards».
Au plan des finances publiques, la morosité de l’activité économique a consacré une gestion budgétaire avec «une progression modérée de la mobilisation des ressources, associée à une exécution soutenue des dépenses». La «Note trimestrielle de conjoncture» comme le «Point mensuel de conjoncture» sont unanimes sur une information capitale : «Aucun don budgétaire n’a été mobilisé à fin octobre 2024.» Ceci est la preuve que le retrait du Fmi entraîne une conséquence terrible sur nos relations avec les partenaires techniques et financiers. De plus, comment voulez-vous que des partenaires fassent confiance à un pays dont le chef du gouvernement accuse ses fonctionnaires d’avoir maquillé ses chiffres sur la dette et sur le déficit budgétaire ?
Pendant ce temps, Sonko règle ses comptes politiques
Par ailleurs, pour un pays qui s’attendait à une croissance de 7 à 8%, les documents du ministère de l’Economie projettent une évolution de 3, 7%, et 2, 8% pour le cumul des 9 mois d’activités.
Pendant ce temps, ce pouvoir n’est pas prêt pour travailler pour le bien des Sénégalais et l’avancement de ce pays. Mais il est juste concentré à régler des comptes politiques avec Barthélemy Dias, Madiambal Diagne, Adama Gaye… Ce pouvoir a pour priorité de régler des comptes, pendant que le Sénégal coule. Vengeance et maintien des clivages sont les urgences de Pastef, une formation politique qui est née et s’est entretenue par la haine jusqu’à accéder au sommet. L’histoire bégaie en effet. Après tout ce qu’on a vécu avec Macky Sall, le duo Diomaye-Sonko se débrouille encore pour ramener les mêmes mauvaises pratiques avec les mêmes armes ! Quelle est la valeur ajoutée de cette destitution du maire de Dakar pour nous le Peuple sénégalais ? En quoi cette destitution est-elle si urgente, si importante à nos yeux ? Que gagne Pastef en se rabaissant de la sorte ? La question à poser est celle-ci : si Dias était toujours du côté de Sonko, aurait-il le même sort ?
C’est Pastef, le parti hors la loi, qui brandit la loi aujourd’hui. Ceux qui nous parlent d’application de la loi ont en effet la mémoire courte. Ousmane Sonko et ses militants n’ont jamais accepté ni toléré les lois et règlements qui leur étaient appliqués, quitte à détruire ce pays. Donc qu’est-ce qui a changé ? C’est Pastef, qui avait hier parlé du «Préfet de Macky Sall», qui a aujourd’hui utilisé le même Préfet pour de basses besognes. En effet, la personne qui a saisi le Préfet pour destituer Barth’ est un membre de Pastef. Donc, c’est bel et bien Pastef qui est à l’origine de cette destitution, sur commande de Ousmane Sonko. Car derrière l’application de la loi, il s’agit ici de règlement de comptes et de revanche, rien d’autre. Il n’y a pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir, et c’est une trahison de la promesse de rupture. Pastef est attendu ailleurs, sa mission sera dure et longue peut-être. Alors, il serait bien que le pouvoir se concentre sur l’essentiel et arrête ces conflits de bas étage.