La Banque mondiale a publié hier son rapport 2024 sur la situation économique du Sénégal.
Selon le rapport de la Banque mondiale intitulé «saisir l’opportunité », l’économie sénégalaise s’est montrée résiliente en 2023 dans un contexte de tensions politiques conjuguées à une inflation persistante quoiqu’en baisse. La croissance du Pib réel est estimée à 4,3 % ‐1,5 % par habitant en 2023‐soit supérieur au taux de croissance de 3,8 % enregistré en 2022 et au‐dessus
des projections initiales de 4,1 %. Les tensions politiques, conjuguées à une inflation élevée, ont perturbé les secteurs tertiaires et réduit le dynamisme de la croissance des dé‐ penses de consommation et les investissements. Du côté de la demande, la croissance de la consommation privée et de l’investissement a ralenti, reflétant le report des investisse‐ ments par les entreprises et la réduction des dépenses due à la baisse du pouvoir d’achat associée à une inflation élevée.
Du côté de l’offre, la croissance du secteur tertiaire a ralenti, principalement en raison de la réduction des activités commerciales dans la restauration et l’hôtellerie ainsi que dans les technologies de l’information et de la communication (Tic), et d’un ralentissement des services financiers et d’assurance à la suite des troubles sociaux et des tensions politiques. Malgré les difficultés rencontrées dans le secteur extractif, le sec‐ teur secondaire du Sénégal a prospéré grâce aux contribu‐ tions positives de la production de ciment. Après avoir atteint un pic de 9,7 % en 2022, l’inflation a reculé à 5,9 % en 2023.
Cette diminution de l’inflation globale est liée à la baisse des prix internationaux des produits de base et la normalisation des chaînes d’approvisionnement. «Après avoir atteint un pic de 9,7 % en 2022, l’inflation a reculé à 5,9 % en 2023» En outre, les facteurs externes, tels que la dépréciation du franc Cfa par rapport au dollar américain en 2022 et sa répercussion sur les prix des produits importés et locaux, se sont at‐ ténués. La plupart des mesures administratives visant à plafonner les prix de certains produits alimentaires, notamment le riz et le sucre, sont toujours en vi‐ gueur contribuant à contenir l’inflation et alléger le coût de la vie. Cependant, les pressions exercées par les prix de l’éner‐ gie, y compris l’électricité, le gaz et d’autres combustibles (qui ont augmenté en moyenne de 10 % en 2023) ont lourdement pesé sur l’inflation. L’ambition de consolider les finances publiques envisagée dans la loi de finances 2023 s’est matérialisée même si le déficit global a été un peu plus élevée que prévu. Le déficit budgétaire aurait baissé de 6,5 % du Pib en 2022 à 5,1 % en 2023, au‐dessus de l’objectif de 4,9 % du Pib fixé d dans la loi des finances de 2023.
Augmentation des recettes fiscales Les recettes fiscales ont augmenté pour atteindre 19,4 % du Pib, soit environ 1,2 point de pourcentage de plus qu’en 2022, principalement en raison de la hausse de la collecte des recettes sur les biens et services et de l’impôt sur le revenu des personnes et des sociétés. Les dépenses publiques sont restées stables à 26,6 % du Pib, avec l’augmentation des dé‐ penses liées à la masse salariale et au coût financier de la dette publique. Les mesures de sou‐ tien au pouvoir d’achat1 (0,6 % du Pib) et les subventions au secteur de l’énergie comprenant les arriérés en cours (4,2 % du Pib à la fin septembre 2023) continuent de peser sur les ef‐ forts d’assainissement budgétaire. En conséquence, la dette publique et la dette garantie par l’Etat auraient augmenté de 75,6 % du Pib en 2022 à 80,8 % du Pib en 2023, ce qui équivaut à 17,2 points de pourcen‐ tage du Pib au‐dessus des niveaux d’avant la pandémie (2019). Le Sénégal reste exposé à un risque modéré de surendettement public, avec des marges limitées pour absorber d’éventuels chocs futurs. «Le Sénégal reste exposé à un risque modéré de surendettement public»
D’après la Banque mondiale, conformément à sa stratégie de gestion de la dette à moyen terme, le Sénégal a l’intention de réorienter de plus en plus son financement vers le marché régional en raison du res‐ serrement des conditions de financement sur le marché obligataire international, et des taux d’intérêt monétaires éle‐ vés dans les économies avancées. Le déficit du compte courant s’est considérable‐ ment amélioré, permettant ainsi d’augmenter les réserves internationales. Selon les esti‐ mations, il est passé de 19,9 % du Pib en 2022 à 14,5 % du Pib en 2023, principalement grâce à la reprise des échanges avec le Mali et à une réduction pro‐ gressive des importations de services dans le secteur des hydrocarbures. Il a été financé par des investissements directs étrangers, des transferts de fonds, ainsi que des financements des partenaires au développement. Pour lutter contre l’inflation, la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) a relevé ses taux d’intérêt directeurs de 150 points de base cumulés depuis la mi‐2022, à 3,5 % pour les appels de fonds et à 5,5 % pour la facilité de prêt marginal. L’orientation de la politique monétaire reste néanmoins accommodante. Dans la région, l’inflation (en moyenne de 3,7 % en 2023) reste supérieure à l’objectif fixé, et les réserves de change sont en baisse, estimées à 3,5 mois d’importations à la fin de 2023, contre 4,3 mois à la fin de 2022. La croissance du crédit s’est accélérée, pas‐ sant de 29,3 % en 2022 à 32,3 % du Pib en 2023. Malgré les mul‐ tiples crises et les incertitudes nationales, régionales et mon‐ diales, le secteur financier a fait preuve de résilience en affichant une baisse des prêts im‐ productifs.
Pour la Banque mondiale, les perspectives économiques du Sénégal restent globalement positives, avec l’engagement des autorités pour des ré‐ formes structurelles majeur et l’amélioration de la transpa‐ rence, mais elles dépendent d’un solide engagement en faveur de la stabilité macroéconomique.
«Les perspectives écono‐ miques du Sénégal restent globalement positives» Les perspectives de croissance reposent sur la mise en œuvre de réformes structurelles majeurs permettant au Sénégal de poursuivre sa transformation économique, ainsi que sur la mise en œuvre de son agenda de développement axé sur l’amélioration des opportunités économiques et de l’inclusion sociale. Les perspectives reposent également sur l’atténuation des tensions géopolitiques mondiales actuelles, la reprise de l’économie mondiale et du commerce à moyen terme, et l’amélioration de la stabilité régionale. «Le gouvernement devra s’engager à rétablir la stabilité macroéconomique et à constituer des réserves pour améliorer la viabilité de la dette en mettant en œuvre une politique fondée sur les recettes et
en rationalisant les dépenses publiques. Cela témoignera d’un engagement fort en faveur de l’assainissement bud‐ gétaire à partir de 2024, en vue d’atteindre l’objectif budgétaire fixé par l’Uemoa à 3 % d’ici à 2025 », peut‐on lire dans le rapport.
La croissance à court terme devrait s’accélérer pour atteindre 7,1 % en 2024 et une moyenne de 7,7 % en 2025–2026. La pau‐ vreté (selon le seuil internatio‐ nal d’extrême pauvreté, défini à 2,15 dollars Us par jour en Ppa de 2017) devrait tomber à 8,7 % en 2024 (1,1 point de pourcentage de moins qu’en 2023), grâce à la croissance réelle par habitant dans l’agriculture, où 57 % des pauvres sont em‐ ployés, et à une réduction de l’inflation, en particulier des prix des denrées alimentaires. Selon la Banque mondiale, malgré les vents contraires, la ré‐ duction de la pauvreté devrait se poursuivre à moyen terme, grâce à l’amélioration des opportunités économiques, en particulier pour les jeunes. Dans l’ensemble, les incertitudes nationales, régionales et mondiales sont élevées, faisant pencher les risques vers la baisse. Le contexte de crises multiples et ses effets négatifs sur l’économie nationale persistent. La prolongation des tensions géopolitiques mondiales continue de faire grim‐ per l’inflation plus haut que prévu et pourrait entraîner une augmentation de la pauvreté et une politique monétaire en‐ core plus agressive, limitant da‐ vantage le financement de l’Etat et exacerbant les vulnérabilités de la dette. La sécurité ré‐ gionale et les incertitudes politiques ont de graves implications socioéconomiques, no‐ tamment le risque de retrait de l’Alliance des Etats du Sahel de la Cedeao avec un impact sur les exportations vers le Mali, qui représentent 20 % des exportations totales du Sénégal. «Le mécontentement social, qui pourrait résulter de la sup‐ pression progressive des sub‐ ventions à l’énergie, et l’incertitude politique pour‐ raient compromettre l’assainis‐ sement budgétaire envisagé », met en garde la Banque mondiale. «En même temps, des retards dans l’assainissement budgétaire effectif pourraient gravement affecter la viabilité de la dette et la croissance », conclut la Banque mondiale.
CMG