FOVID-COVID : Au ministère de la Femme, une bamboula bâtie sur le faux

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Un système huilé, basé sur le faux, a permis un détournement massif des fonds Covid logés au ministère Ministère de la Femme, de la Famille, du Genre et de la Protection de l’enfant (Mffgpe). Les résultats de l’enquête la Dic, exploités par le Pool judiciaire comme d’autres rapports concernant le même dossier, se passent de commentaire.

Libération révélait que le dossier dit des fonds destinés à la Covid‐19 était entre les mains du Pool judiciaire financier qui s’apprête à lancer un véritable coup de filet. Il fait dire que dans cette affaire, les enquêteurs de la Dic, qui avaient transmis les dos‐ siers au parquet de Dakar depuis juillet 2023, ont fait un travail extraordinaire. Pour ne pas dire qu’ils sont allés au‐delà des cas révélés par la Cour des comptes après avoir reçu le soit‐transmis n°955/Pr du 7 février 2023 ordonnant une en‐ quête. La preuve par les découvertes effarantes faites au Ministère de la Femme, de la Famille, du Genre et de la Pro‐ tection de l’enfant (Mffgpe). Dès le début de l’enquête, les policiers avaient interrogé N.Mbaye, chef du bureau de la suivi de la Dage du ministère. Face aux enquêteurs, il avait déclaré faire partie du comité de huit membres, mis en place à l’apparition de la pandémie du Covid‐19 et chargé des opé‐ rations de retrait des enfants de la rue sous la supervision du secrétaire général dudit ministère. Ce comité avait pour mis‐ sion de faire les opérations de retrait des enfants de la rue, leur placement dans les centres d’accueil, leur alimentation, et leur retour en famille.
Pour ce faire, disait‐il, le Dage D.Diakhaté donnait de l’argent au comité, soit en espèces, soit par chèques, pour assurer l’exécution des dépenses. Aussi a‐t‐il indiqué avoir reçu, à plusieurs reprises, des fonds d’un montant global de 20.437.800 Fcfa entre 2020 et 2021, en espèces, excepté la somme de 953.500 Fcfa qui lui a remise par chèque. S’expliquant sur l’existence de deux décharges pour chacun des montants de 953.000 et 2.476.000 Fcfa qu’il a entre autres reçus et relevés par la Cour, il a soutenu que c’est le Dage qui lui faisait signer à chaque fois sur la copie du chèque reçu et le sur formulaire de décharge. Toutefois, il souligne qu’il n’en voyait pas la pertinence étant donné qu’il s’agis‐ sait du même montant et de la même opération.

Du faux à outrance

Un autre révélation viendra de O.S.Thiaw, directeur du Centre Education spécialisée d’expression et des loisirs (Estel). Devant les enquêteurs, il a confirmé avoir reçu au nom de sa structure, la somme de

2.706.000 Fcfa par chèque daté du 10 juin 2020 du ministère en guise d’appui, dans le cadre du programme intitulé «Zéro enfant dans la rue », contre apposition de sa signature et de son cachet sur la copie dudit chèque. Cependant, il a révélé n’avoir jamais signé le formulaire de décharge du même montant en date du 11 juin 2020, précisant qu’il ne saurait expliquer comment sa signature et son cachet se sont re‐ trouvés sur ce second document.

Les investigations ont aussi conduit les policiers à M.Tine (coursier), M.Seck (commer‐ çant), A.A.Diagne (chauffeur), A.L.Ndiaye (ancien employé du ministère), B.Ndiaye (chauffeur au ministère) et B.N.Faye (agent au ministère). En résu‐ mant leurs déclarations, les enquêteurs ont pu établir des faits troublants tels que des paiements de primes à des agents du ministère à partir des fonds Covid ou d’une Caisse d’avance dénommée « aides et secours » ; des paiements au nom de tiers rattachés frauduleusement à des structures prestataires ou à des agents du ministère, à leur insu et avec imitation de signature et usage de fausses références de Cni; des prêts octroyés à des tiers, tirés sur les fonds Covid et non remboursés ; des aides en numéraires four‐ nies aux mêmes personnes et dans des délais très courts, sur les fonds Covid ; des paiements non justifiés sinon avec de fausses décharges comportant des imitations de signatures. C’est le cas pour un chèque de 1.500.000 Fcfa attribué à un groupe de presse alors que le coursier a nié avoir signé la décharge y afférente et encore moins avoir reçu ledit montant.

Paiements non justifiés et fausses décharges
Le cas atypique de B.Mboup confirme encore cet usage sys‐ tématique du faux. En effet, lui a été imputé des décharges d’un montant de 660.000 Fcfa alors qu’en 2020, il était agent au ministère du Commerce et n’avait pas encore rejoint le mi‐ nistère de la Famille. Sa signa‐ ture et les références de sa Cni ont été falsifiées sur les dé‐ charges produites. C’est le même mode opératoire qui a été utilisé pour attribuer à B.Ndiaye un montrant de 4.593.000 Fcfa alors qu’il n’a ja‐ mais reçu un centime du minis‐ tère. Le point focal Projet au niveau de la Direction de l’édu‐

cation surveillée et de la protec‐ tion sociale en a rajouté une couche. I.Ndiaye a contesté avoir perçu et signé une dé‐ charge de 3,2 millions de Fcfa qu’il aurait reçu pour la prise en charge des enfants talibés reti‐ rés de la rue. P.M.Ndiaye, prési‐ dent du Gie «Manko deffar transport Sénégal » a aussi re‐ jeté la paternité d’une dé‐ charge d’un montant de 2.030.000 Fcfa introduite par le Dage dans le lot des justificatifs de paiement de la location de bus de sa structure pour le transport d’enfants talibés.

Des fonds puisés des caisses pour installer des Split chez une autorité
Mieux ou pire, F.B.Guèye, commerçante, a nié avoir reçu de l’argent du ministère contraire‐ ment aux pièces fournies par le Dage D. Diakhaté lui attribuant fictivement le montant de 4.800.000 Fcfa. La pépite : O.Ka, un fournisseur, a révélé que les montants de 365.000 et 270.000 Fcfa qui lui sont impu‐ tés, représentent les prix de deux climatiseurs Split qu’il dit avoir livrés sur instructions de Djiby Diakhaté dans une villa privée sise à la Cité Aliou Sow de Golf.

Le Dage se cramponne aux autorisations «verbales et écrites » du ministre
Face aux enquêteurs, D. Diakhaté a d’abord précisé avoir occupé le poste de Dage du ministère de décembre 2015 à dé‐ cembre 2022. Interpellé sur les différentes récriminations soulevées à son encontre par la Cour des Comptes relativement à la gestion de la somme de 150.000.000 Fcfa issue des fonds Ccfa et mise à la disposi‐ tion du ministère, il s’est aussi‐ tôt mis sur la défensive, en les rejetant en bloc. Il a ainsi tenté de nier toute responsabilité de sa part, au prétexte qu’il a tou‐ jours requis l’autorisation ver‐ bale et écrite de son ministre de tutelle pour effectuer les dé‐ caissements de fonds qui, selon lui, étaient essentiellement in‐ jectés dans l’opération de re‐ trait et de prise en charge des enfants de la rue.

Il s’est hasardé à justifier certains «couacs » en prétendant qu’il y avait des interférences entre les Fonds Covid et la Caisse d’avance «aides et secours », lesquels seraient regroupés en un seul guichet avec une procédure de justification identique, à savoir la production de décharges et de la décision d’aide et secours signée par le ministre de tutelle. Il a toutefois reconnu avoir commis des «erreurs matérielles » dans le reporting des décharges en y insérant des doublons et dépenses fictives, tout en veillant à ce que le Trésor public ne subisse aucun préjudice.

Il a ainsi reconnu l’existence de fausses décharges pour justifier ces dépenses non répertoriées lesquelles, qui selon ses dires, auraient été exécutées sur instructions de son ministre de tutelle. D’où les nombreux justificatifs imputés à des tiers à leur insu ou signés en lieu et place des bénéficiaires au vu de leur indisponibilité. D.Diakhaté a confirmé l’existence de dépenses personnelles qui n’ont aucun lien avec la riposte contre la pandémie Covid‐ 19, en donnant l’exemple des deux climatiseurs évoqués, qui selon ses dires, auraient été livrés au domicile d’une autorité aux Almadies et non à la Cité Aliou Sow de Golf, comme l’a indiqué «par erreur » O.Ka, lequel l’a du reste reconnu lors de leur confrontation.

In fine, les enquêteurs ont orga‐ nisé une confrontation. Au cours de celle‐ci, les bénéficiaires ont maintenu leurs récriminations à l’endroit du Dage à savoir la confection de fausses décharges pour justifier des dé‐ penses indues, inexistantes ou majorées de manière substantielle ; mais aussi les paiements au nom de tiers rattachés frauduleusement à des structures prestataires ou à des agents du ministère, à leur insu et avec imitation de signature et usage de fausses références de Cni. D’autre part, N.Mbaye a admis avoir signé toutes les dé‐ charges qu’il a lui‐même établies consécutives après des envois d’argent, à la place de bénéficiaires indisponibles et à leur insu, sur initiative person‐ nelle car entrant dans ses prérogatives en tant que chef du bureau du suivi, selon ses dires. Quant à D. Diakhaté, il a réitéré que les doublons de certaines pièces justificatives de dé‐ penses résultent d’erreurs de reporting. Il a prétendu en conséquence, qu’il n’y a pas de dépenses fictives mais plutôt des paiements faits par transferts d’argent et régularisées maladroitement par la confec‐ tion de décharges comportant de fausses signatures des bénéficiaires.