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Rédigé par le Comité de défense des Niayes, la mairie de Diokoul Diawrigne et Afrigeen Lab, le rapport sur la situation historique, sociale, environnementale de la mine Eramet Gco dans la zone des Niayes, daté du 25 janvier 2025, est accablant.
L’entreprise Grande côte opération (Gco) Sa, appelée également Eramet grande côte, est une société sénégalaise, apparte‐ nant à 90% à l’entreprise française Eramet Sa via une société holding intermédiaire appelée Eramet mineral sands Sas, et à 10% à l’Etat du Sénégal.
Tout commence le 9 septem‐ bre 2004 avec la signature de la convention minière entre le gouvernement du Sénégal et la société Mineral deposits limited Sénégal Sarl (Mdl Sénégal Sarl), filiale de la société australienne Mineral deposits limited.
La convention spécifiait le permis de recherche sur un périmètre de 445,7 km2. Le 24 septembre 2007, l’avenant numéro I à la convention minière entre l’Etat du Sénégal et Mdl Sénégal a été signé. Dans la foulée, la conven‐ tion d’exploration est devenue une convention d’exploitation. Mdl Mauritius est aussi ajoutée dans la convention. Un résumé d’une étude d’impact environ‐ nemental et social réalisée en décembre 2005 est présent en annexe. En 2008, Gco est créée puis, en 2011, 10% de ses parts sont transférés à l’Etat. La même année, on assiste à la vente de 0,5% du capital à des personnes physiques et 89,50% des parts à Tizir mauritius Ltd, une holding basée à Maurice et propriété à 100% de Tizir Ltd, une entité basée au Royaume Uni dont Mld Limited, société australienne, est actionnaire à 50%, et dont Eramet Sa, société française, est actionnaire à 50%.
Une série de transactions
Le 9 mai 2014, les opérations minières à plein régime démarrent. Quatre ans plus tard, une autre transaction est actée : le rachat des parts dans Tizir Ltd, par Eramet Sa, qui devient ac‐ tionnaire unique, et le rachat des parts des actionnaires phy‐ siques dans Gco par Tizir Mau‐ ritius qui monte à 90% du capital. Le 21 décembre 2021, Eramet rachète l’ensemble des parts détenues par Tizir Ltd, via Tizir Mauritius dans Gco.
Les sables minéralisés issus de l’exploitation Eramet Gco sont essentiellement destinés aux marchés du bâtiment et de la décoration. L’ilménite, le rutile et le leucoxène, riches en dioxyde de titane (TiO2), sont destinés à la production de pigments blancs pour les peintures, le papier, le plastique et les encres. Le zircon quant à lui, métal conducteur très résistant à la chaleur et doté de propriétés blanchissantes, est très pré‐ sent dans l’industrie de la céramique, les matériaux abrasifs ou les prothèses dentaires.
En 10 ans d’activités reportées, la mine Eramet Gco a déclaré un chiffre d’affaires cumulé de 1 106 milliards de Fcfa
Les rapports de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie) mis à disposition de 2013 à 2023 permettent d’avoir une meilleure compréhension des revenus générés par la mine Eramet Gco au Sénégal et des retombées financières pour l’Etat sénégalais et les diverses structures associées à l’Etat ou aux institutions sous‐régionales. En 10 ans d’activités re‐ portées, la mine Eramet Gco a déclaré un chiffre d’affaires cumulé de 1 106 milliards de Fcfa, pour une redevance minière cu‐ mulée perçue par l’Etat de 51 milliards de Fcfa, soit 5,1 milliards Fcfa par an et 4,64% de son chiffre d’affaires. Sur la même période, Eramet Gco n’a reversé aucun dividende au titre des 10% d’actionnariat de l’Etat dans la société. Les redressements fiscaux ont permis à l’Etat de récupérer 17% de plus des versements initiaux à la Direction générale des im‐ pôts et domaines (Dgid), tandis que les redressements douaniers ont permis de récupérer 28% de plus que les versements initiaux aux Douanes.
La Direction de l’environnement et des établissements classés (Deec) du ministère de l’Environnement a perçu 0,07% du chiffre d’affaires et est le 5ème plus grand bénéficiaire des versements à l’Etat de Gco, avec une moyenne annuelle de 75 millions de Fcfa. La taxe hydraulique versée en moyenne par an s’élève à 43 millions de Fcfa. La garantie de réhabilita‐ tion versée à la Caisse des dépôts et consignation sur 10 ans est de 274 millions de Fcfa soit 27 millions en moyenne annuelle.
La Direction des mines et de la géologie a touché en moyenne annuelle 16,8 millions de Fcfa par an. La Direction des eaux et forêts en charge de la conservation des sols (Defccs) a touché une moyenne de 6,9 millions de Fcfa par an. L’entreprise n’a versé qu’une fois en 10 ans la redevance ferroviaire à l’Ancf pour un montant de 24 millions de Fcfa, soit une moyenne rapportée aux années de 2,4 millions de Fcfa. Gco n’a jamais versé d’argent au Fonds d’appui Mise en page 1
u développement local (Fadl). Pendant ce temps, souligne le rapport, «les populations des villages de recasés de Foth, Diourmel et Thiokhmat ne dis‐ posent pas d’eau potable : ni en qualité (la turbidité apparente est inquiétante et la non‐pota‐ bilité est évidente ; ni en quan‐ tité (les forages sont défaillants et pour celui de Foth, il ne fonc‐ tionne que durant les jours de soleil) ».
«Dans ces villages de recasés, il y a de forts soupçons que plusieurs personnes soient mortes de complications liées à l’eau… »
Le rapport est formel : «Dans ces villages de recasés, il y a de forts soupçons que plusieurs per‐ sonnes soient mortes de compli‐ cations liées à l’eau et de nombreuses d’entre elles souf‐ frent d’insuffisances rénales, ou de cardiopathies pouvant être causées par la très mauvaise qua‐ lité de l’eau mise à disposition de ces populations recasées ». Selon l’entreprise Eramet Gco, cité par le rapport, 2988 per‐ sonnes auraient été déplacées pour l’exploitation et 560 mai‐ sons construites par l’entre‐ prise depuis 2016. Elles sont 35 constructions à Médinatoul Mounawar, 85 à Foth et Diour‐ mel avec 233 maisons. Le village nouvellement créé de Thiakh‐ mat compte cent soixante‐ douze maisons construites. «Les populations de ces vil‐ lages se plaignent de l’étroi‐ tesse de leurs maisons, qui ont été implantées sans prendre en compte les habitudes socio‐ culturelles de vie des villages sénégalais. Certains disent être obligés de dormir dans les cuisines. Tandis qu’il n’y a pas d’eau potable, l’électricité manque également, car les ins‐ tallations électriques ne sont pas fonctionnelles dans la plu‐ part des villages. Enfin cer‐ taines personnes ont des troubles psychologiques suite à ces déplacements forcés », souligne le document.
Pire, «des cimetières, y com‐ pris les sépultures de digni‐ taires religieux, ont été déplacés dans le cadre de l’ac‐ tivité minière, notamment dans les hameaux déplacés à Foth. Ces déplacements de sé‐ pultures ont eu lieu à de nom‐ breux endroits, apparemment sans transparence vis‐à‐vis des populations. Des plaintes de la part des populations en pa‐ renté avec les défunts sont ap‐ parues, stipulant que des dépouilles n’auraient pas été identifiées, et que d’autres dé‐ pouilles auraient été dépla‐ cées dans des fosses communes ».
Le rapport cite aussi, à la date du 18 décembre 2024, des dé‐ guerpissements nocturnes des populations impactées sous la menace opérée par Gco non loin du désert de Lompoul. «De nombreux pro‐ ducteurs maraîchers se sont plaints de la destruction de
leurs parcelles quelques se‐ maines avant leurs récoltes. Ce phénomène choque énormé‐ ment les populations. Et il est difficile de comprendre dans quelle mesure, ces actes qui choquent fortement les popu‐ lations locales, sont autorisés », regrette le rapport non sans ajouter : «Enormément de plaintes et de contestations des agissements, procédures et montants utilisés pour gérer les compensations et les im‐ penses des victimes de la mine Eramet Gco remontent de ma‐ nière continue depuis le début des activités de cette entre‐ prise. Des plaintes continuent de se faire entendre auprès des populations, concernant le barème et les méthodes de calculs des impenses et com‐ pensations ; le fonctionne‐ ment et la constitution des comités départementaux et les procédures associées aux impenses et aux compensa‐ tions.
Il convient de rappeler que la concession minière accordée à Mdl et qu’exploite Eramet Gco, aujourd’hui filiale de Era‐ met, est l’une des plus grandes concessions minières du Séné‐ gal. Elle couvre une superficie de 445,7km2, sur une longueur de 106km et une largeur moyenne de 4,5km le long de la grande côte sénégalaise. Au‐ jourd’hui, révèle le rapport, l’activité minière a accéléré de‐ puis la médiatisation récente des remous dans la zone, et Eramet Gco travaille 7 jours /7 et 24 heures/24 dans la zone. «Le plan de destruction com‐ plète du désert de Lompoul et de l’ensemble de sa faune et de sa flore est en cours. Et une grande part du désert a déjà disparu », alerte le rapport, photos à l’appui.
«Le plan de destruction com‐ plète du désert de Lompoul et de l’ensemble de sa faune et de sa flore est en cours. Et une grande part du désert a déjà disparu »
En effet, le désert de Lompoul est la seule attraction touristique de la région de Louga. Hier, fort de 7 campements si‐ tués sur le désert de Lompoul, aujourd’hui, après le passage de la mine de Eramet Gco, seul 1 campement (Ecolodge) subsiste sur le désert et 1 autre s’est relocalisé en direction du Thieppe au Nord (appelé maintenant «Rêve de nomade »). Les 5 autres campements ont été rasés et leurs activités ainsi que leurs emplois ont dis‐ paru, en attendant l’ouverture d’un site aménagé à Foth par Eramet Gco, qui tarde à se lancer. «A notre connaissance, aucune étude d’impact au niveau de l’activité touristique n’a été effectuée concernant la disparition du désert de Lompoul, qu’il s’agisse des impacts économiques ou encore des potentiels impacts sur l’image de la destination Sénégal à l’international.
Toutes les mesures de com‐ pensations proposées ne sem‐ blent pas avoir donné satisfaction aux acteurs touris‐ tiques impactés directement, tandis que les acteurs indirec‐ tement touchés n’ont pas été pris en compte par les mesures de compensation (vendeurs de souvenirs, transporteurs, res‐ taurateurs, musiciens, guides, loueurs de véhicules, chame‐ liers, artistes, garagistes, asso‐ ciations communautaires, etc.) », fustige le rapport.
« Rêve de nomade », appelé auparavant « Camp du désert » s’est relocalisé tout seul à Thieppe, car il jugeait que l’of‐ fre de relocalisation de Eramet Gco n’était pas en adéquation avec son offre touristique, et ne lui permettrait pas de conti‐ nuer à travailler de manière continue. « Ecolodge» n’a pas accepté les offres de compen‐ sation et de relocalisation de Eramet Gco, car il jugeait que l’offre de compensation était insignifiante et que l’offre de relocalisation n’était pas en adéquation avec son offre tou‐ ristique, et ne lui permettrait pas de continuer à travailler de manière continue. Eramet Gco a certes aménagé un site de re‐ casement de ces campements dans la région de Thiès, à Foth. Mais celui‐ci n’est pas encore fonctionnel, car sa zone d’im‐ plantation est toujours classi‐ fiée comme zone minière, et semble loin de pouvoir avoir les autres autorisations lui permet‐ tant d’accueillir des touristes.
A moins de rallonger le chemin de fer partant de la mine de Diogo vers le Nord et Lompoul, il semble difficile de déclassifier cette zone et d’autoriser les touristes à traverser la piste des camions de Eramet Gco ou en‐ core de se mouvoir dans cette zone. De plus, ce site de recase‐ ment de type balnéaire, au mi‐ lieu de bancs de sables blancs, ne correspond pas à la clientèle écotouristique du désert de Lompoul, qui recherche un site totalement naturel, exception‐ nel et unique au monde, loin du confort et proche de la nature. «La disparition du désert de Lompoul en cours constitue un signal extrêmement négatif à l’encontre de la communauté internationale, alors que le changement climatique sévit et que les questions de biodiver‐ sité et de préservation de l’en‐ vironnement font aujourd’hui partie des préoccupations quo‐ tidiennes des populations ci‐ blées par la destination touristique Sénégal », insiste le rapport.
«Le plus grave dans tout cela est que les seuls éléments d’étude d’impact environne‐ mental et social rendus publics, à ce jour, sont le résumé d’une étude datant de décembre 2005, comportant des pages il‐ lisibles. Celle‐ci constitue an‐ nexe de l’avenant N°1 de la convention minière signée en 2007 entre l’entreprise explora‐ trice Mdl et l’Etat du Sénégal, qui a été publiée en avril 2017
sur le site de l’Itie. Depuis lors, aucune étude d’impact environ‐ nemental et social n’a été ren‐ due publique de manière officielle, ni aucun rapport sur les impacts à posteriori en ce qui concerne les zones déjà ra‐ sées par la mine. Ni lors de la 1re phase dans la zone de Diogo, ni lors de la 2e phase (actuelle) dans la zone de Lompoul », d’après le document.
Un rapport provisoire d’étude d’impact environnemental et social du projet d’expansion de Gco concernant la 2ème phase à Lompoul a, semble‐t‐il, été préparé en 2022 par l’entreprise sénégalaise Tropica environne‐ mental consultants qui avait déjà effectué l’étude de 2005 présente en annexe de l’ave‐ nant n°1 à la convention minière de 2007. Ce rapport mentionne‐ rait que seulement 170 per‐ sonnes issues des populations de la région de Louga ont été consultées et qu’aucune oppo‐ sition au projet n’a été soulevée lors de ces consultations. En 2022, les populations de Lom‐ poul et de Diokoul Diawrigne ont refusé catégoriquement en audience publique les conclu‐ sions de ce rapport, en pré‐ sence notamment du maire de Diokoul Diawrigne et du sous‐ préfet de Ndande. Aucune suite n’a été donnée à ce refus.
Des manifestations se sont ensuivies au niveau local afin de demander des explications concernant le fait que l’exploitation minière ait lieu malgré l’opposition manifeste de la communauté locale. Aucune publication de rapport n’a eu lieu depuis lors, ni même d’explications concernant la procédure administrative et les responsables ayant considéré l’accord des populations comme acquis. Parallèlement, Eramet Gco a entrepris une dé‐ marche de certification auprès d’Initiative for responsible mi‐ ning assurance (Irma) pour ses opérations au Sénégal. Cette certification effectuée par des auditeurs indépendants s’est déroulée de 2023 à 2024. Un rapport d’audit préliminaire a été transmis à Eramet Gco par Irma le 26 juin 2024, et des actions correctives ont été propo‐ sées.
En janvier 2025, Eramet Gco a lancé le recrutement d’un direc‐ teur du développement durable stationné à Lompoul pour «piloter le projet de certification Irma pour Gco). Pour les auteurs du rapport, «ces élé‐ ments pourraient signifier que Eramet Gco n’a pas réussi à ré‐ pondre aux attentes de Irma et n’a pas été considéré comme une mine responsable ». Ce, malgré les affirmations du directeur de Eramet Gcp, à travers une campagne de publi‐reportage le 17 janvier 2025, stipulant que «nous allons même au‐delà de nos strictes obligations et avons choisi d’appliquer les standards miniers internationaux les plus exigeants, notamment ceux de l’Irma ».