La société indienne et ses filiales ont bénéficié de faveurs foncières et immobilières qui soulèvent des interrogations. Pendant ce temps, le dossier douanier qui les concernait est au point mort alors que pour moins que cela des privés sénégalais séjournent en prison.
Le transitaire sénégalais Alioune Badara Ndiaye est en prison depuis septembre 2024 pour un contentieux avec la Douane portant sur 7 milliards de Fcfa. Pourtant, les dirigeants de la société indienne Senegindia sont sous le coup d’une procédure douanière qui concerne la belle somme de 34,43 milliards de Fcfa mais jusqu’à présent aucun responsable de Senegindia n’a été inquiété. Au contraire, le dossier serait «abandonné». Comme nous le révélions, dans le cadre de la mission de contrôle de la Direction des enquêtes douanières (Ded), Senegindia Sa avait fait l’objet d’un ciblage aux fins de vérification générale de ses opérations commerciales.
L’examen approfondi des documents commerciaux, comptables, bancaires et douaniers, de la période 2019 à 2023, produits par les responsables de l’entreprise, suite aux requêtes de notifications d’écarts et des irrégularités, avait permis de constater que du matériel sous sujétion douanière importé par Senegindia Sa a fait l’objet de cessions irrégulières à des entreprises tierces.
Interpellés sur ces éléments, les responsables de la Senegindia avaient contesté les faits. D’après eux, ils auraient ob‐ tenu, sur la période, une autorisation du ministre en charge des Finances pour effectuer les transferts. Selon eux, ces transferts auraient été opérés au sein du groupe entre entités (filiales‐maison mère), dans le cadre d’un schéma de restructuration. Mais, les justificatifs de Senegindia avaient été démolis par la Ded car ne participant pas à lever les irrégularités constatées.
Un dossier douanier au point mort
En effet, d’une part, sur la lettre du ministre des Finances et du Budget, il était fait uniquement référence à la gratuité des droits d’enregistrement, en principe, dus ; et d’autre part, sur les entités liées et la restructuration évoquée, la Douane avait découvert que les déclara‐ tions faites par la société mise en cause, confirmaient la consommation de l’infraction douanière car le lien social n’en‐ trainait pas une confusion des patrimoines des différentes sociétés à savoir Senegindia Sa et ses filiales Swami agi et Swami mine.
Pour la Ded, ces faits constituaient, en vertu des articles 400 alinéa 1 et 391 du code des Douanes, une infraction douanière qualifiée d’importation sans déclaration de marchandises prohibées consécutive à des détournements de marchandises prohibées ou non de leur destination privilégiée. Aussi, la valeur litigieuse sur la‐ quelle porte l’infraction était estimée à 13 367 759 988 de Fcfa, entrainant des droits éludés évalués à 3 847 241 324 de Fcfa. En l’absence de Gorasia Hitesh, directeur général, la Douane avait informé les responsables de Senegindia Sa qu’elle portera plainte contre le directeur général devant le tribunal. Aujourd’hui, le dossier est au point fort.
Bamboula foncière
Cette affaire douanière n’est que la face visible de l’iceberg. Entre attributions et cessions foncières à travers le pays, Senegindia a bénéficié de plusieurs privilèges qui mériteraient d’être éclairées. Alors qu’on évoque les 40 villas de la Cité Fayçal, l’immeuble Brière de l’Isle‐12 étages‐, a été cédé à Senegindia. Ce bail emphytéotique sur 99 ans d’office est illégal. Qui plus, ce patri‐ moine, qui faisait partie du visage de Dakar, a été complétement rasé. Le promoteur compte y construire un immeuble administratif R+5 et un immeuble à usage commercial. L’opacité totale entoure cette opération révélée par Ousmane Sonko, alors fervent opposant au régime de Macky Sall.
Quelques kilomètres plus loin, à Diamniadio, sous le label Sd City, Senegindia a bénéficié de 40 hectares et d’une extension de 18 hectares pour la construction de villas et d’immeubles. Pour autant, elle ne s’est pas exécutée, à date, malgré les relances, du paiement de la redevance à la Dgpu qui s’élève aujourd’hui à plus d’1, 5 milliard. A Mbane, à travers sa filiale Swam agri, Senegindia s’est vu céder, dans des conditions nébuleuses, 1500 hectares et a racheté à un ressortissant libanais 1700 autres hectares destinés initialement à un projet touristique. Plus rocambolesque encore, au niveau du Delta du Saloum, Senegindia trône sur 120.000 hectares et compterait aussi d’autres hectares tout près du Port de Ndayane.
Et le décompte est loin d’être fini. Courant 2019, Senegindia a été autorisée à exploiter une carrière privée permanente de calcaire sur une superficie de 20 hectares dans la forêt classée de Bandia. La même société a été autorisée, depuis 2016, à exploiter et utiliser des silex stockés dans les périmètres des Ics dans la région de Thiès.
CMG