Des chargés de mission ont été illégalement recrutés et grassement payés par le Programme d’urgence de modernisation des axes et territoires frontaliers (Puma). C’est ce que révèle la Cour des comptes qui a audité les gestions 2019‐2021.
Selon le rapport de la Cour des comptes, «en méconnaissance de la réglemen‐ tation, le coordonnateur
national du Puma a procédé à de nombreuses nominations de chargés de mission et de prestataires de service ». Les cahiers des charges de ces prestataires sont définis dans des contrats de prestation de service dont la durée n’est pas fixée. Or, « dans l’administration publique, seules la Présidence de la Répu‐ blique et la Primature peuvent s’attacher les services de char‐ gés de mission par voie de contrats d’engagement. En
2020, cette prérogative a été étendue aux ministres et aux secrétaires d’Etat par décret n° 2020‐2327 du 09 décembre 2020 relatif à l’organisation des cabinets des ministres et des secrétaires d’Etat, mais, dans la limite de 2 chargés de mission par cabinet », rappelle la Cour des comptes. «Il résulte de cette si‐ tuation irrégulière le versement de rémunérations mensuelles dont l’impact sur les crédits alloués au programme est consi‐ dérable », regrette la Cour. En effet, au titre de la période sous revue, le montant cumulé des rémunérations versées aux prestataires de service et aux chargés de mission se chiffre à 457 589 500 Fcfa. Lesdites rémunérations sont imputées, non pas sur la masse salariale, mais sur d’autres rubriques de dépense, notamment celle intitulée «appui à la coordination et au pilotage du Puma». Elles ont connu une évolution exponentielle au cours de la période sous revue. D’un montant de 69 490 500 Fcfa en 2019, elles sont passées à 457 589 500 Fcfa en 2021, soit une augmen‐ tation de 388 099 000 Fcfa en valeur absolue, et 558 % en va‐ leur relative. «Elles sont ainsi équivalentes à 26,7 % des salaires du personnel dont le cumul s’élève à 1 713 672 375 Fcfa au titre de la période sous revue », renseigne la Cour. Un tableau détaille de la Cour établit que, comparativement à celles des prestataires de ser‐ vice, les rémunérations versées aux chargés de mission sont élevées et leur évolution très rapide. Elles s’élèvent à 236 620 000 Fcfa en 2021 contre 61 740 000 Fcfa en 2019, soit une augmentation de 174 880 000 Fcfa en valeur absolue, et 283,3% en valeur relative. «Au total, au lieu de servir à financer des investissements, une bonne partie des ressources financières allouées au Puma est réorientée vers le paiement de rémunérations à des chargés de mission dont la contribution aux activités du programme est loin d’être établie. A preuve, contrairement aux stipulations des contrats liant le Puma aux chargés de mission, des rapports périodiques ne sont pas produits pour attester le service fait et justifier les rémunérations perçues », révèle la Cour. Cité par la Cour, le coordonnateur national du Puma, Moussa Sow, justifie l’engagement de chargés de mission par le fait que cette catégorie de prestataires de service figure dans l’organigramme approuvé par le Chef de l’Etat et son gouvernement lors de la validation du programme le 17 mai 2017. En outre, le manuel de procédures dans lequel les chargés de mission sont partie intégrante du personnel du Puma, a été ap‐ prouvé par le comité de pilo‐ tage. Il précise que dans la procédure d’engagement d’un chargé de mission, la pièce maîtresse de base est la décision si‐ gnée par le coordonnateur ; un contrat de prestation est ensuite signé pour définir les contours de la mission du prestataire. N’empêche, la Cour considère que les chargés de mission sont des prestataires de service distincts du personnel du Puma qui est régi, de facto, par le code du travail. «Alors que les relations de travail liant le Puma à ses personnels sont matérialisées par des contrats de tra‐ vail, les chargés de mission ne disposent que de contrats de prestation de service non reconnus par le code du travail. Il résulte du recours massif aux prestataires de service, notamment les chargés de mission dont la contribution aux activités n’est pas avérée, une ineffi‐ cience dans l’emploi des ressources publiques allouées au Puma », fustige la Cour. A noter que certains de ces «chargés de mission» étaient en service au ministère du Développement communautaire qui assurait la tutelle du Puma. Dans ses conclusions, la Cour a demandé au coordonnateur national du Puma de s’abstenir d’engager des chargés de mission et de mettre un terme à la
rémunération des chargés de mission du cabinet du ministre.
CMG