Seydi Gassama, directeur exécutif d’Amnesty International Sénégal, est sans doute pour la libération de tous les détenus politiques au Sénégal. Mais pas par le biais d’une loi d’amnistie. Invité de la conférence de presse des anciens détenus politiques, hier, le droit-de-l’hommiste est convaincu que l’Etat a tous les moyens pour libérer les détenus politiques sans passer par une loi d’amnistie qui, elle, va passer par pertes et profits tous les crimes qui ont été commis dans ce pays depuis mars 2021.
«Plus de 60 jeunes Sénégalais ont été tués et on veut faire passer tout cela par pertes et profits, c’est inacceptable. On veut élargir l’amnistie à des crimes économiques, cela signifie que tous les scandales : Prodac, Covid-19 etc, vont également passer par pertes et profits, c’est inacceptable !», objecte Seydi Gassama. Le patron d’Amnesty International Sénégal indique qu’il y a des moyens dont la justice dispose aujourd’hui pour libérer s’ils le veulent demain Ousmane Sonko, Bassirou Diomaye Faye et tous les autres détenus politiques qui croupissent en prison.
Il estime que les gens qui sont en prison ne sont pas forcément des activistes politiques. Parmi eux figurent, selon lui, des jeunes sénégalais qui évoluent dans le monde de la culture, de la presse, dans diverses professions qui sont indignés par la situation qui prévaut dans le pays depuis l’avènement de Macky Sall au pouvoir. Une situation où, dit-il, on utilise la justice, les institutions de l’Etat pour réduire au silence tous ceux qui critiquent, pour persécuter les opposants de telle sorte qu’il ne soit jamais face à un adversaire de poids pendant une compétition électorale. «Toutes ces dérives autoritaires qu’on a observées sont dues à sa volonté de ne jamais affronter un candidat important pendant une élection», dénonce Seydi Gassama, citant le cas de Karim Wade, Khalifa Sall et Ousmane Sonko.
Seulement, fait-il remarquer, si le PDS avait été affaibli après la perte du pouvoir et n’a pas pu organiser une mobilisation dans la rue comme Abdoulaye Wade savait bien le faire quand il était dans l’opposition, si Khalifa Sall avait été lâché par son parti et était devenu esseulé, ce n’était pas le cas de Ousmane Sonko qui, non seulement a bénéficié du soutien de ses militants, mais de tous les Sénégalais qui disaient : ‘’plus jamais ça. On n’acceptera pas cette fois-ci’’».
Il se désole du fait que la répression se soit abattue sur tous ces jeunes «conscients» qui se sont mobilisés contre sa démarche autoritaire. A son avis, tout cela fait qu’aujourd’hui les prisons sont pleines et qu’il faut les ouvrir et laisser les jeunes sortir.
Pour ce faire, Seydi Gassama informe que les avocats volontaires sont totalement débordés par la situation et qu’il leur faut mobiliser de nouveaux avocats et les impliquer dans ces dossiers. «Nous avons aussi, à la demande des Nations Unies il y a deux semaines, fait une soumission où nous avons donné des informations sur pratiquement tous les détenus, veillant en sorte que nous puissions parler du cas de chaque personne. A la demande des Nations Unies, nous avons envoyé ces informations au Haut-commissariat aux droits de l’homme à Genève pour que, de leur côté, ils puissent user de tous les moyens de pression dont ils disposent pour que l’Etat du Sénégal puisse élargir tous ces prisonniers», renseigne-t-il. Non sans préciser que le but, c’est de les élargir avant l’élection qui est maintenant repoussée. «Nous espérons que ce travail va continuer aux Nations Unies pour que bientôt tout le monde soit libéré», conclut-il.
L’incommensurable souffrance des parents des détenus politiques
Par ailleurs, le directeur exécutif d’Amnesty International Sénégal déclare que les souffrances des parents des détenus politiques sont incommensurables. «Lorsque vous allez à Rebeuss, vous allez voir des mamans, des épouses et des enfants de deux, trois ans, qui sont là depuis 5 heures du matin pour pouvoir voir le papa, le mari ou le fils. 5 heures du matin jusqu’à 13 heures parfois, sous le chaud soleil», raconte Seydi Gassama pour qui, cette souffrance ne peut pas continuer plus longtemps.
«Il faut qu’on laisse ces gens quitter ces geôles où ils ne doivent pas être. Il y a des familles aujourd’hui qui sont disloquées. J’ai un des audios reçus ce matin (hier matin) dans lequel une épouse d’un détenu me dit :’’je ne peux plus payer le loyer. On m’a expulsé avec mes enfants parce que mon mari est en prison depuis maintenant bientôt six mois», confie M. Gassama.